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La lumière de la lune baignait la pièce d'une lueur douce et argentée, transformant le marbre froid du sol en un lac tranquille de reflets pâles. Shearazad s'accrocha au rebord de la fenêtre, sentant ses jambes trembler sous le poids de la douleur accumulée. Elle n'avait pas pleuré depuis longtemps, depuis la veille peut-être, mais cette lumière, cette froideur lunaire, semblait réveiller en elle des océans d'émotions retenues.

Elle sentit sa gorge se nouer, ses épaules se raidirent sous l'effet d'une vague de tristesse. Les larmes coulaient librement, comme un torrent qui aurait longtemps été retenu par un barrage fragile. Elle les laissait couler, sans chercher à les retenir cette fois. Il y avait quelque chose d'étrangement apaisant à cela, comme si pleurer sous la lumière de la lune rendait sa peine plus acceptable, presque poétique.

Elle leva les yeux vers le ciel nocturne, les étoiles scintillantes paraissant si lointaines, presque inaccessibles, comme des promesses qui ne lui étaient pas destinées. La lune, ronde et pleine, semblait l'observer, témoin silencieux de ses chagrins les plus intimes.

Ses pensées dérivèrent vers Tyana, vers cette vie arrachée trop tôt. Elle revit son sourire, la chaleur de ses bras quand elle la prenait contre elle. Elle entendit sa voix résonner dans le silence de la nuit, douce, réconfortante, et pourtant si lointaine désormais. Chaque souvenir était une lame acérée qui pénétrait son cœur, chaque image était une épreuve insoutenable.

Le murmure de la nuit semblait presque parler pour elle, portant avec lui des souvenirs douloureux et des regrets amers. Elle pensa à Aemond. À tout ce qu'ils avaient été et à ce qu'ils n'étaient plus. La trahison, la perte, la déception. Elle l'avait aimé d'un amour si profond qu'il s'était enfoncé dans son âme comme une épine empoisonnée. Elle pensa à son regard, à ses yeux bleus glacés qui n'avaient montré qu'indifférence et cruauté. Elle ne savait plus si elle le détestait ou si elle l'aimait encore. Et c'était peut-être la chose la plus douloureuse de toutes.

Les larmes continuaient de couler, mais elles semblaient moins brûlantes, moins acérées. Comme si, enfin, la douleur trouvait une forme d'expression, un exutoire dans ce chagrin nocturne. Peut-être que la lune comprenait. Peut-être que cette lumière blanche et froide était là pour prendre un peu de son poids, pour alléger, ne serait-ce qu'un peu, le fardeau de son âme.

Elle resta là un long moment, jusqu'à ce que ses jambes cessent de trembler. Jusqu'à ce que son souffle se calme et que la lune monte encore plus haut dans le ciel, veillant sur elle comme un veilleur silencieux. Alors, doucement, Shearazad ferma les yeux, se laissa envelopper par cette lumière et murmura dans un souffle presque inaudible :

« Peut-être que je finirai par guérir... »

Mais ce soir-là, elle n'en était pas encore certaine.

Sa porte s'ouvrît dans un grincement léger, attirant son attention. C'était Ser Bron Salvatore, droit comme une pique, son regard se posa sur la princesse.

« Princesse, le prince Aemond. » il se décala laissant apparaître sur l'embrasure de la porte la silhouette élancée de son oncle.

Ser Bron quitta la pièce sans un mot de plus, refermant la porte derrière lui. Shearazad, immobile, semblait paralysé. Elle tentait de se reculer mais ses jambes restèrent sur place.

Aemond, impassible, ôta son baudrier. Son visage, froid et sévère, ne laissait paraître aucune émotion. Il s'assit légèrement sur le bord de la table de la chambre, son regard fixé sur Shearazad. Lentement, presque mécaniquement, il sortir la lame de sa cachette, le métal brillant d'un éclat sinistre sous la lueur vacillante des bougies.

« Quand on me ment, » commença-t-il d'une voix basse, presque un murmure menaçant, « je deviens violent. » Il leva le couteau, le pointant vers Shearazad. Ses yeux s'écarquillèrent, et son corps bondit dans sa poitrine. « Tu piges ? »

LOCKED || AEMOND TARGARYEN• Où les histoires vivent. Découvrez maintenant