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Elle marchait d'un pas ferme dans les couloirs du Donjon Rouge, ses bottes frappant les dalles de pierre avec une régularité mécanique. Ses yeux lançaient des éclairs, brûlant d'une colère froide, tandis que son sang bouillonnait d'une rage sourde. Shearazad ne savait pas vraiment pourquoi elle était en colère, ou plutôt, elle n'arrivait pas à nommer précisément ce qui nourrissait cette furie qui semblait venir de si profond. C'était comme une flamme ancienne, attisée par mille petites frustrations et blessures accumulées, qui réclamait son dû. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle devait trouver un moyen de se calmer. Et vite.

Son souffle était court, ses narines se dilataient alors qu'elle serrait les poings, les ongles plantés dans ses paumes. Elle passa devant des serviteurs et des gardes qui se pressaient contre les murs à son approche, baissant les yeux pour éviter de croiser son regard. Depuis quelques jours, Shearazad était devenue une force redoutée dans les couloirs du château. Il se murmurait qu'un page avait eu l'audace de la dévisager un peu trop longtemps la veille, et elle l'avait giflé si fort qu'il en avait perdu une dent. Elle frappait, cognait, et poussait tous ceux qui avaient le malheur de croiser son chemin et d'attiser un peu plus la flamme de sa colère.

Mais ce n'était pas de la violence gratuite. Pour Shearazad, chaque geste avait un but, une raison d'être. Sa colère n'était pas qu'une simple expression de frustration ; c'était une tentative désespérée de reprendre le contrôle, de donner un sens à ce qui se passait autour d'elle. Dans les ténèbres croissantes de ses pensées, elle ne trouvait pas d'autre moyen de s'apaiser.

Ses pas la menèrent naturellement vers la cour d'entraînement, un espace ouvert entre les murailles où les soldats s'exerçaient sous le regard de leurs sergents. Elle y passa comme une tempête. Les soldats, eux aussi, se firent petits à son passage. Aucun ne voulait attirer son attention ; tous sentaient cette aura de rage pure émaner d'elle comme une chaleur. Le grondement sourd de son silence valait mieux que tous les cris. Shearazad se fichait bien de ce qu'ils pensaient, de ce qu'ils murmuraient dans son dos. Elle n'avait qu'une idée en tête : sortir.

Elle marcha d'un pas décidé vers les grandes portes du château. Ces portes symbolisaient à la fois la sécurité et l'enfermement, et aujourd'hui, elle les percevait comme une barrière intolérable. Devant elles, un groupe de gardes se tenait prêt, leur posture raide et hésitante. Elle s'arrêta net devant eux, les yeux fixés sur le bois épais et renforcé de fer.

« Ouvrez la porte, » ordonna-t-elle froidement, sa voix semblable à la morsure de l'acier.

Un des gardes, plus âgé que les autres, osa prendre la parole. Il hésita un instant, déglutit, puis se lança : « Princesse, nous n'avons pas l'autorisation de vous laisser sortir. »

À ces mots, Shearazad tourna lentement la tête vers lui. Dans ses yeux gris, il pouvait lire une colère brute, presque animale, mâtinée d'une frustration qu'il ne pouvait comprendre. C'était une rage vivante, intense, une tempête qui n'attendait qu'une provocation de plus pour éclater. Le garde sentit son cœur s'accélérer sous le poids de ce regard.

Elle s'avança d'un pas lent, menaçant, vers lui, réduisant la distance entre leurs visages. Ses mots tombèrent, coupants et venimeux, comme un serpent qui crache son venin : « Ouvre-moi cette putain de porte avant que je ne te fasse décapiter ta putain de mère. »

À cet instant, tout l'environnement sembla se figer autour d'eux. Les autres gardes retinrent leur souffle, hésitant entre intervenir et reculer. Ils savaient que la princesse n'était pas du genre à exagérer. Les derniers jours avaient montré à quel point elle pouvait être impitoyable. Le silence qui suivit ces mots fut lourd de menaces, chargé de cette tension électrique qui précède les orages

LOCKED || AEMOND TARGARYEN• Où les histoires vivent. Découvrez maintenant