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Shearazad traînait la servante par les cheveux le long du couloir de pierre froide du Donjon Rouge. Ses pas résonnaient avec une lourdeur menaçante, et ses yeux, sombres et brûlants d'une rage incontrôlable, ne laissaient aucune place à la pitié. Chaque geste, chaque tirée de cheveux, traduisait une fureur qui semblait prête à tout consumer sur son passage. La servante, effrayée et gémissante, tentait de suivre en trébuchant, ses pieds nus raclant le sol tandis que ses mains essayaient désespérément de soulager la douleur qui irradiait de son cuir chevelu.

Le bruit de cette scène chaotique attira l'attention de Criston Cole, qui, en passant par là, vit la scène se dérouler sous ses yeux. Il souffla, agacé et désespéré à la fois. C'était devenu trop fréquent, ces crises de Shearazad, ces moments où elle perdait tout contrôle. Il savait qu'intervenir risquait de déclencher encore plus de violence, mais il ne pouvait pas rester là, impuissant, tandis qu'une innocente subissait sa colère débridée.

Sans plus attendre, Criston s'avança d'un pas rapide et sûr. Il tendit la main et attrapa fermement l'épaule de la princesse, la forçant à relâcher son emprise. D'un geste sec et précis, il arracha la pauvre jeune femme des mains de Shearazad, qui s'arrêta net, le souffle court. Ses yeux gris, encore étincelants de rage, se posèrent sur lui comme deux lames d'acier prêtes à frapper.

« Shearazad, ça suffit, » dit-il d'une voix ferme mais mesurée, tentant de ne pas enflammer davantage la situation. La servante s'effondra au sol, haletante, les larmes inondant son visage. Criston, sans relâcher son regard sur la princesse, fit un signe à deux autres gardes postés non loin pour qu'ils viennent en aide à la jeune femme.

Shearazad, les poings serrés et le corps tendu, respira profondément, luttant pour reprendre le contrôle d'elle-même. Ses épaules se soulevaient et retombaient avec une intensité sauvage. Pendant un moment, il semblait que même Criston n'allait pas pouvoir l'arrêter. Elle s'approcha de lui, son visage à quelques centimètres du sien, son regard perçant le sien comme pour défier son autorité.

Cole laissa échapper un soupir las, ses yeux scrutant Shearazad avec une fatigue mêlée d'inquiétude. Il n'y avait plus de surprise dans son regard, seulement une attente silencieuse, une résignation qu'il avait adoptée au fil du temps. Il connaissait le schéma : la fureur de la princesse, la violence impulsive, puis les justifications acerbes qui suivaient, comme un rituel répétitif. Mais cette fois, il n'allait pas se contenter de rester passif.

« Quoi ? » cracha Shearazad en le fusillant du regard. Elle tenait toujours son menton haut, mais il y avait une étincelle de défi sous la surface, une provocation ouverte. Cole, toujours calme, inclina légèrement la tête sur le côté, essayant de sonder ce qui la poussait à agir ainsi. Il voyait la rage dans ses yeux, mais il y percevait aussi autre chose, quelque chose de plus sombre et de plus profond.

« C'est la cinquième servante que je sauve de tes griffes... en une semaine, » dit-il enfin, sa voix mesurée, mais ferme. Il ne la regardait pas comme un chevalier parlant à une princesse, mais comme un homme tentant de comprendre une énigme dangereuse.

Shearazad haussa un sourcil, un rictus tordu se dessinant sur ses lèvres. « Et alors ? Je fais ce que je veux. » Elle tourna sur ses talons, prête à partir, mais s'arrêta une fraction de seconde pour ajouter d'un ton méprisant, « Peut-être que si vous me trouvez des servantes plus compétentes, j'arrêterai de m'abîmer les ongles sous leurs cheveux gras et secs. »

Cole resta silencieux un moment, son regard sombre suivant chacun de ses mouvements. Il ne pouvait s'empêcher de remarquer à quel point elle semblait se plaire dans sa cruauté. Mais il ne se laissait pas décontenancer. « Ce ne sont pas les servantes qui manquent de compétence, Shearazad. » Sa voix se fit plus basse, presque un murmure, mais chaque mot était imprégné d'une vérité cinglante. « C'est toi qui es perdue, à frapper des innocents pour te soulager d'une colère qui te dévore. »

LOCKED || AEMOND TARGARYEN• Où les histoires vivent. Découvrez maintenant