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« Mestre Orwyle... » murmura Shearazad d'une voix rauque, presque inaudible, son regard vide se posant sur l'homme qui passait dans le couloir à quelques mètres.

Le mestre, absorbé dans ses pensées, se retourna lentement. Son expression, habituellement impassible, se transforma en un mélange de surprise et de compassion en voyant la princesse. La preuve de son malaise était visible dans sa tenue, toujours la même robe noire que la veille, froissée et tachée par la nuit passée dehors. Il savait que quelque chose n'allait pas, mais l'intensité du désespoir qu'il lisait dans ses yeux le prit au dépourvu.

« Princesse, comment vous vous sentez ? » demanda-t-il d'une voix douce, mais teintée d'une réelle préoccupation. Il n'était pas certain de ce qu'il voulait entendre. Son esprit se préparait déjà à offrir les conseils et remèdes habituels pour soulager l'angoisse ou la fatigue.

Shearazad prit une longue inspiration, sa poitrine se soulevant avec peine sous le poids invisible qui l'écrasait. « J'aurais besoin de votre aide... et de votre discrétion, » dit-elle doucement, sa voix vacillante. Ses mots, bien qu'apaisés, portaient la lourdeur de quelque chose d'inavouable.

Mestre Orwyle fronça légèrement les sourcils, son esprit alerte. Il comprenait que la princesse était en proie à quelque chose de profond et de sombre. « Oui, princesse, dites-moi, » répondit-il, l'encourageant à poursuivre, bien que son instinct lui chuchotait que la suite ne serait pas aisée à entendre.

Elle détourna un instant le regard, luttant contre le poids de sa décision, les mots restant bloqués dans sa gorge nouée. Puis, dans un souffle, elle prononça enfin ce qui la dévorait de l'intérieur : « Je... j'aurais besoin d'un poison. »

Les mots tombèrent comme une pierre dans un puits sans fond, résonnant dans l'esprit du mestre avec une force inattendue. Il la fixa, le souffle coupé, la bouche entrouverte sous le coup de la stupeur. Il espérait s'être trompé, espérait que la fatigue ou l'épuisement l'avait mal fait comprendre, mais le regard de Shearazad ne laissait aucun doute. Il y vit une résolution glaciale, un désespoir sans fond.

« Princesse... » murmura-t-il, presque inaudible, son ton plein d'une inquiétude qui l'envahissait entièrement. « Vous ne pouvez pas... je... je ne peux pas... »

Elle le coupa, son visage pâle se tournant vers lui, ses yeux sombres, marqués par la fatigue et le chagrin, se plantant dans les siens. « Je ne vous demande pas de comprendre, ni même d'approuver. Je demande votre aide. »

Le mestre sentit son cœur se serrer. Jamais il n'avait vu Shearazad dans un tel état de dénuement. Elle, qui avait toujours été si fière, si forte, se tenait devant lui, brisée. Il avait vu des âmes désespérées auparavant, mais la voir, elle, demander une telle chose...

« Princesse, » reprit-il plus fermement, bien que sa voix tremblait encore d'émotion, « il existe d'autres moyens... des plantes pour apaiser, pour vous aider à dormir... mais pas... pas cela. Je ne peux pas vous donner un poison. Ce n'est pas la solution, Shearazad. »

Mestre Orwyle sentit la sueur froide glisser le long de sa colonne vertébrale en entendant les mots de Shearazad. Son ton, tranchant comme une lame, ne laissait aucune place à la discussion. La princesse avait pris sa décision, et la menace sous-jacente dans ses paroles le fit frissonner. Elle était prête à tout pour trouver ce qu'elle cherchait, même si cela signifiait se mettre en danger encore davantage.

Il la fixa, cherchant dans ses yeux la moindre trace d'hésitation, un signe, aussi infime soit-il, d'une volonté de vivre, mais il ne trouva que du vide et une rage froide. La détresse de Shearazad, combinée à sa détermination désespérée, le paralysa un instant.

« Je ne veux pas de solution, » répéta-t-elle, sa voix plus basse mais tout aussi résolue, son regard perçant comme une lame. « Je veux mourir. Alors soit vous me donnez la chose que je vous demande, soit je me débrouillerai toute seule. Dans les deux cas, l'issue sera la même. »

Chaque mot résonnait comme un coup de tonnerre. Shearazad n'était plus dans l'expectative ou la supplication ; elle donnait un ultimatum. Et cela glaça le mestre jusqu'aux os. Il savait qu'elle était capable de mettre sa menace à exécution. Son désespoir et sa douleur lui ôtaient toute lucidité, et dans cet état, elle pourrait prendre des mesures irréversibles. Il voyait bien qu'elle n'avait plus rien à perdre — ou du moins, elle croyait n'avoir plus rien à perdre.

Mestre Orwyle sentit un frisson parcourir son échine en voyant le sourire froid se dessiner sur les lèvres de la princesse. Ce n'était pas le sourire d'une femme apaisée ou résignée, mais celui d'une âme brisée qui venait de franchir une nouvelle frontière de désespoir. Lorsqu'elle se leva, titubant légèrement, il eut l'impression de voir une ombre, une silhouette presque spectrale qui se mouvait lentement vers lui.

Shearazad s'approcha de lui, ses pas traînants sur le sol. Quand elle fut juste en face de lui, elle pencha la tête sur le côté, ses yeux gris le sondant avec une intensité qui lui glaça le sang. Mestre Orwyle se figea, incapable de détourner le regard de ces yeux qui semblaient lire en lui, voir au-delà de son masque d'assurance professionnelle. Elle le perçait jusqu'à l'âme, comme si elle cherchait à comprendre pourquoi il s'obstinait à ne pas l'aider à en finir.

« Ok, » dit-elle finalement, un calme étrange imprégnant sa voix. « Oubliez cette conversation. »

Il cligna des yeux, déconcerté par sa réponse. C'était comme si, en l'espace d'un instant, la tension s'était évanouie. Pourtant, il savait que ce n'était qu'un mirage, une accalmie trompeuse. Il voulut dire quelque chose, l'arrêter peut-être, mais les mots moururent dans sa gorge.

Shearazad détourna son regard et continua sa route, ses pas la menant hors du lieu sacré. Mestre Orwyle resta immobile, sa main tremblante se resserrant sur le bâton qu'il portait. Il sentit un poids accablant sur ses épaules, une peur sourde grandir en lui. Il savait que ce n'était pas la fin de leur échange, mais seulement une étape de plus dans la descente de la princesse vers l'abîme.

LOCKED || AEMOND TARGARYEN• Où les histoires vivent. Découvrez maintenant