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Dans la pénombre des bois, Shearazad demeurait figée, ses yeux perdus dans les flammes vacillantes du feu de camp. La lumière dansante des flammes projetait des ombres mouvantes sur son visage, mais son regard restait distant, presque éteint. Le crépitement des bûches en train de se consumer était le seul son qui rompit le silence pesant qui l'entourait. Tout le monde avait rejoint ses tentes, cherchant un refuge contre la fraîcheur nocturne, mais elle, elle était restée dehors, assoiffée d'une chaleur qui ne venait pas seulement du feu, mais de quelque chose de plus profond et insaisissable.

Ses pensées tourbillonnaient dans un maelström chaotique, se heurtant les unes aux autres comme des vagues déchaînées. Elle essayait de se raccrocher à des souvenirs heureux, des fragments de joie passée, mais ils semblaient glisser entre ses doigts comme du sable. Les moments de bonheur se dérobaient lentement, effacés par un flot incessant de tristesse et de rage. Chaque souvenir qui avait apporté de la lumière à ses jours devenait flou, comme si une brume amère enveloppait tout ce qui avait autrefois eu du sens.

Elle se remémorait les instants de complicité et de rire, les caresses des bras qui l'avaient autrefois entourée de chaleur. Mais maintenant, ces images semblaient décolorées, ternies par la douleur et la désillusion. Elle avait tenté d'oublier les blessures, les déceptions, mais ce processus de désenchantement était devenu si radical qu'il effaçait également les éclats de lumière dans sa mémoire. L'existence même semblait s'effriter devant elle, une vaste étendue de néant où chaque éclat de joie se noyait dans une mer de désespoir.

Elle se laissa aller contre un arbre, les mains enfoncées dans ses cheveux épars, comme si elle cherchait à se raccrocher à quelque chose de tangible dans un monde devenu flou. Ses pensées se mirent à s'accrocher à une idée sombre : que la vie, malgré ses éclairs de bonheur, était essentiellement un cycle de douleur et de renoncements. Ses lèvres murmuraient des paroles inaudibles, des lamentations murmurées à l'ombre des arbres. Il lui semblait que son âme était devenue une série d'échos perdus, des rêves inachevés engloutis dans l'obscurité de la nuit.

Le feu, avec ses crépitements réguliers, semblait être la seule constante dans ce tourbillon de pensées désordonnées. Mais même cette chaleur, si réconfortante par le passé, lui semblait maintenant insuffisante, presque trompeuse. Elle se demandait si, au fond, cette chaleur était vraiment capable de combler le vide qu'elle ressentait, ou si elle n'était qu'un simulacre de réconfort, incapable d'atteindre les profondeurs de son désespoir.

Elle soupira, le souffle se mêlant à la fumée montante du feu, une dernière tentative désespérée de se réconforter avant de se laisser emporter par l'obscurité environnante. Les flammes dansantes, malgré leur éclat, ne faisaient que souligner le contraste entre ce qu'elle avait espéré et ce qu'elle percevait maintenant. L'idée que la vie était vouée à ce cycle interminable de déceptions s'ancrant dans son esprit, renforçant le sentiment que, malgré les luttes et les espoirs, le destin semblait avoir une cruauté inéluctable, perpétuellement immuable.

« Vous ne dormez pas ? » La voix de Ser Nate brisa le silence de la nuit, douce mais ferme. Il se tenait à présent à côté de Shearazad, sa silhouette massive dessinée par la lueur vacillante des flammes. Son regard était empreint d'une curiosité mêlée de surprise en voyant la princesse, seule, dehors, enveloppée dans la pénombre des bois.

Shearazad, tirée de ses pensées sombres, leva les yeux vers le chevalier. « Et vous ? » répliqua-t-elle doucement, sa voix à peine plus qu'un souffle, comme si parler plus fort risquait de briser le fragile calme de la nuit.

« J'étais allé marcher, » répondit-il, ses traits détendus, comme si la nuit avait le pouvoir de calmer ses angoisses. « J'aime la paix de la nuit. »

LOCKED || AEMOND TARGARYEN• Où les histoires vivent. Découvrez maintenant