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« Tout semble en ordre à priori, et vous me semblez en bonne santé, » dit le mestre Orwyle d'une voix douce mais professionnelle, en refermant la pochette en cuir contenant ses instruments médicaux. « Des nausées matinales, ou de la fatigue peut-être ? »

Shearazad, assise sur un tabouret de bois près de la fenêtre, posa une main légère sur son ventre, ses yeux cherchant un point à l'horizon. « De la fatigue, oui, » répondit-elle simplement, sa voix calme mais empreinte d'une lassitude qu'elle ne pouvait dissimuler.

Le mestre hocha la tête avec compréhension. « C'est complètement normal, ma Dame. Les prochaines semaines risquent d'être tourmentées. Reposez-vous bien et n'hésitez pas à passer me voir si vous en ressentez le besoin. Le corps a besoin de temps pour s'adapter à ce changement. » Son ton se voulait rassurant, empreint d'une bienveillance acquise par des années de pratique.

« Merci, mestre Orwyle, » dit Alicent, un sourire sincère se dessinant sur son visage. Elle regarda le vieil homme avec gratitude, son regard exprimant une certaine inquiétude dissimulée derrière une façade de calme royal.

« Merci, Mestre, » ajouta Shearazad d'un ton plus réservé, ses lèvres s'étirant en un léger sourire qui n'atteignait pas tout à fait ses yeux. Elle n'était pas encore à l'aise avec ces nouvelles réalités de la vie à la cour et les attentes qui pesaient désormais sur ses épaules.

Mestre Orwyle se leva, ajustant son manteau de laine usé mais soigné. « Princesse, ma reine... » Il s'inclina respectueusement avant de s'éclipser de la pièce, laissant les deux femmes seules.

Un silence tendu s'installa, brisé seulement par le léger craquement des bûches dans l'âtre. Alicent observait la jeune femme en face d'elle, ressentant un mélange d'empathie et de culpabilité. Elle n'avait pas eu beaucoup d'occasions de parler avec Shearazad depuis l'annonce du mariage arrangé avec son fils, Aemond. Alicent aurait souhaité pouvoir éviter cette situation à la jeune femme, mais les décisions avaient été prises, dictées par la politique et les alliances qui gouvernaient leur monde.

Elle prit une inspiration profonde, cherchant les mots justes. « Shearazad, je... » commença-t-elle, la voix tremblante de sincérité et d'une hésitation inhabituelle pour une reine.

Shearazad tourna lentement la tête vers Alicent, ses yeux sombres et profonds fixant la reine. Il y avait dans ce regard une force tranquille, mais aussi une tristesse voilée, un mélange de résignation et de défi. Elle attendait, silencieuse, laissant à Alicent le temps de formuler ses pensées.

« Je suis désolée, » finit par dire Alicent, sa voix basse. « Pour tout ce que vous devez endurer. Je sais que cela ne devait pas se passer ainsi, que vous aviez sûrement d'autres rêves... d'autres espoirs... » Sa voix s'éteignit, ses mots flottant dans l'air entre elles, lourds de sens et d'émotions refoulées.

Shearazad ne répondit pas immédiatement. Elle baissa légèrement les yeux, observant ses mains croisées sur ses genoux, puis releva lentement la tête. « Nous faisons toutes des sacrifices, n'est-ce pas, ma reine ? » répondit-elle finalement, d'un ton calme mais ferme. « Je comprends la nécessité de ces choix, même s'ils ne sont pas les miens. »

Alicent sentit une vague de tristesse l'envahir. Elle voyait tant d'elle-même dans cette jeune femme courageuse, confrontée à un destin qu'elle n'avait pas choisi. « Oui, » murmura-t-elle, « les sacrifices sont parfois nécessaires... mais cela ne les rend pas moins douloureux. »

Les deux femmes se regardèrent en silence, une compréhension muette passant entre elles, comme si en cet instant, elles partageaient un lien invisible fait de regrets, de devoirs, et d'un espoir lointain de jours meilleurs.

LOCKED || AEMOND TARGARYEN• Où les histoires vivent. Découvrez maintenant