20

70 4 0
                                    

Dans les sombres reflets vacillants de sa torche, Shearazad semblait chercher quelque chose. La nuit était tombée et, pour une fois, elle désirait se libérer de son rôle de vengeresse. Elle ouvrit doucement la porte de l'armurerie. La salle des armes, silencieuse et poussiéreuse, semblait figée dans le temps. Cela faisait des semaines que personne ne s'y était aventuré. Les armes les plus anciennes, vestiges des plus grands combattants, y étaient gardées. Pourtant, la guerre approchante prenait toute la place, effaçant la beauté de l'histoire qui régnait autrefois ici.

Elle observa chacune des armes, de celles datant de l'époque du Conquérant à celles de Viserys le Paisible. Mais en réalité, Shearazad était détachée de tout cela. Elle semblait pensive, son esprit en proie à des songes tumultueux. Elle imaginait ce qui se disait autour de la table du conseil de sa mère, qui avait toujours voulu la tenir à l'écart des affaires du royaume. Rhaenyra ne souhaitait pas voir sa dernière fille s'enliser dans les intrigues politiques. Elle rêvait pour elle d'un avenir plus radieux, jusqu'à l'envoyer à Repos-des-Vreux, sans se douter que le piège s'y refermerait sur elle.

Shearazad revoyait sans cesse la scène dans son esprit, le moment où son propre sang lui avait été arraché des bras. Encore et encore, elle revivait cette douleur, cette même douleur lancinante qu'elle avait ressentie neuf ans auparavant.

Shearazad chassa ses pensées dans un recoin sombre de son esprit. Elle devait faire son deuil. Non, elle avait fait son deuil. Sa sœur était morte, et elle l'avait pleurée. L'histoire devait s'arrêter là. Elle s'efforçait de ne plus y penser, refusant de s'attarder sur la seule pensée qui la ramenait à ce soir-là, à cette douleur insoutenable. Peu à peu, elle en arrivait même à oublier les traits de son aînée, ne serait-ce que pour quelques secondes. Cette absence dans sa mémoire lui faisait peur, mais elle s'y accrochait comme à une bouée de sauvetage, se convainquant que l'oubli était une forme de guérison.

Elle secoua la tête, forçant son esprit à revenir à l'instant présent. Ses pas résonnaient doucement sur le sol de pierre alors qu'elle s'approchait d'une rangée d'épées. Elles étaient disposées par taille, du plus petit poignard à l'épée à deux mains la plus large, chaque lame semblant peser des tonnes sous le poids du temps et des batailles passées. Shearazad leva les yeux ; la rangée montait encore plus haut, se perdant presque dans l'obscurité du plafond.

Son regard glissa d'arme en arme, s'arrêtant sur une longue épée à la garde finement sculptée. Le pommeau, serti d'une pierre rouge sombre, luisait faiblement dans la lumière de sa torche. Elle tendit la main, effleurant la lame froide du bout des doigts. L'acier vibra sous son toucher, presque comme s'il répondait à son appel. Une étrange énergie la traversa, un frisson qui lui rappela que, même dans la mort et la poussière, ces armes gardaient une partie de l'âme de ceux qui les avaient maniées.

« Elle vous irait bien, celle-là, »murmura une voix familière derrière elle.

C'était la voix de Ser Criston Cole, perturbant le moment de silence de Shearazad. Elle ne prit même pas la peine de se retourner, reconnaissant l'intonation teintée de respect et de curiosité. Le Lord Commandant de la Garde Royale n'était pas du genre à s'introduire sans raison.

« Elle est trop lourde pour moi, » grimaça la princesse, ses lèvres se plissant en un léger sourire ironique. « Je ne suis pas trop fan des courbatures au bras. » Cette réplique, à la fois honnête et moqueuse, arracha un ricanement sincère à Ser Criston, qui n'était pas habitué à entendre la princesse plaisanter. Il appréciait cette touche de légèreté dans un endroit aussi lourd de symboles.

Il s'avança de quelques pas, son armure cliquetant doucement, jusqu'à arriver à son niveau. Là, il leva lui aussi la tête pour contempler les rangées d'épées qui semblaient s'étirer vers le plafond, chaque lame étant un témoin silencieux des époques passées. Leurs reflets ternis par le temps semblaient chuchoter des histoires d'honneur, de gloire, et de tragédie.

LOCKED || AEMOND TARGARYEN• Où les histoires vivent. Découvrez maintenant