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Cela faisait des heures, ou peut-être des jours, que Shearazad était restée là, immobile, engourdie par la douleur et l'épuisement. Son corps, cruellement délaissé, baignait dans une marre de sang et de saleté, les draps maculés d'un rouge sombre, témoin du drame silencieux qui s'était déroulé dans cette pièce. Le sang de son enfant, ce symbole fragile d'un espoir brisé, avait imprégné les tissus, et maintenant, cette litière souillée semblait se fondre en elle, à la fois déchirante et omniprésente.

Le silence régnait, pesant et lourd, comme une couverture oppressive qui enveloppait la pièce et écrasait tout espoir. Shearazad n'avait pas bougé, n'avait pas cherché à changer de position. Chaque mouvement était une torture, chaque tentative de se lever une épreuve insurmontable. Elle était restée prostrée, non par choix, mais par une paralysie de l'âme qui la clouait au lit. La douleur physique, bien que vive, était éclipsée par un chagrin profond et viscéral qui engourdissait chaque fibre de son être.

La solitude était son unique compagne, une présence froide et dévorante. Le vide de la pièce n'était que le reflet de son intérieur dévasté. Personne n'était venu. Les murs, témoins muets de son désespoir, semblaient être aussi indifférents que le monde extérieur. Aucune voix réconfortante, aucun geste de compassion. Juste le silence, oppressant et inébranlable.

Elle aurait tout donné pour que sa mère, ou n'importe quel membre de sa famille, soit là, pour qu'elle puisse se blottir dans une étreinte connue, même si ce n'était que pour quelques instants. Mais sa famille était absente, comme si elle avait été arrachée de sa vie sans retour possible. Ce vide, ce manque cruel et profond, se répercutait à chaque respiration, chaque pensée, comme une morsure qui ne se refermait jamais.

Le souvenir de ce qu'elle avait perdu était une douleur constante, une cicatrice vivante qui la tourmentait. La chaleur des bras familiaux, les murmures de réassurance, tout cela semblait appartenir à un autre monde, un monde dont elle avait été brutalement exclue. Le sol sous elle, rugueux et souillé, était devenu un miroir de son désespoir intérieur, un terrain où l'espoir avait disparu, remplacé par un froid glacial et une tristesse infinie.

Chaque battement de son cœur était une torture lente, chaque pensée une vague de désespoir. Elle se sentait engloutie par une mer noire, sans espoir de répit ou de lumière. Le poids de sa perte, l'absence de tout soutien, et le froid de la solitude s'entrelacaient pour créer un tourbillon d'angoisse et de douleur. Elle était perdue, non seulement dans le monde physique mais aussi dans un espace intérieur dévasté, où chaque souffle était un effort, chaque pensée un fardeau insupportable.

Les souvenirs de ceux qu'elle avait perdus se mêlaient aux visions de l'avenir brisé, se rejoignant dans une danse macabre d'espoirs et de rêves disparus. Tout ce qu'il lui restait était cette existence déchiquetée, ce silence assourdissant, et l'ombre d'une douleur qui semblait sans fin.

Les larmes avaient cessé de couler, laissant place à un silence dévastateur, amplifié par le bruit sourd de ses respirations irrégulières. Ses yeux restaient ouverts, fixant le plafond avec un regard vide, incapable de se fermer ou de trouver le sommeil. Dans ses bras, elle tenait le drap imbibé de sang, une étreinte désespérée, comme si elle cherchait à s'accrocher à ce qui restait d'elle-même.

Elle voulait disparaître, anéantie par un désir profond et déchirant : celui de la mort. La mort lui paraissait comme une échappatoire absolue, un refuge final où la douleur cesserait de la consumer. Chaque pensée, chaque respiration semblait la mener plus profondément dans un abîme de souffrance insurmontable. Elle ne désirait rien d'autre que cette fin, ce soulagement définitif qui lui était à la fois terriblement proche et inaccessiblement éloigné.

Elle avait tout perdu. Chaque éclat de bonheur qu'elle avait touché s'était effrité, comme du sable entre ses doigts. Chaque instant de joie s'était révélé éphémère, se transformant en une illusion cruelle qui la laissait avec un goût amer de désillusion. Ses espoirs étaient maintenant des fantômes du passé, des souvenirs d'un bonheur fugace qui s'était dissipé sous le poids de la réalité.

LOCKED || AEMOND TARGARYEN• Où les histoires vivent. Découvrez maintenant