B O U S C U L A D E

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Musique ~ Can you feel my heart

III

07:36 ~ Vers le lycée

Yunes commença à marcher sur le trottoir, l'air était frais et la ville plus calme que la nuit passée. Elle se réveillait. Il passa ses écouteurs dans son pull avant de les mettre dans ses oreilles. Can you feel my heart de Bring me the Horizon au pas de charge sur ses tympans et ses jambes le portèrent dans les rues, préservant leur balancement habituel qui donnait au garçon une démarche légère et sinueuse.

Il chemina quelques minutes en regardant tous ces gens pressés vers leur travail, l'arrêt de bus se trouvant quelques rues plus loin.
Quelques personnes attendaient déjà. Il pensa alors que ces gens allaient au même endroit que lui. Ils avaient l'air de tous bien se connaître, venant sûrement du même quartier. Quant à lui, il ne passa pas inaperçu, chacun le regardait, sans oser rien dire. Cela le mettait mal à l'aise et en colère sans trop savoir pourquoi, il avait l'envie de lever des majeurs dans tous les sens. C'était souvent comme ça, parce que Yunes avait une attitude à la fois inoffensive, mais une prestance hors du commun qui faisait taire les envieux.
Ils recommencèrent à discuter et le bus arriva. C'est la tête collée à la vitre qu'il passa les quelques minutes de trajet, il observait les lycéens sur les trottoirs en petits groupes. Le soleil perçait au dessus des arbres et laissait paraître une journée claire et limpide.
Le lycée se situait excentré de la ville pour son plus grand bonheur, il était le meilleur des lycées publics de New-York aux derniers sondages, et c'est ce pourquoi, le père de Yunes avait tenu à l'y inscrire. Je veux m'assurer que tes bulletins soient toujours aussi bons. Avait-il dit.

Le bus jaune se gara à quelques mètres de l'entrée et il se dépêcha de descendre pour ne pas être pris dans la foule d'étudiants. Chacun retrouvait ses amis, ses camarades ; les accolades, les câlins et les faux cris de joie étaient au rendez-vous. Tout le monde trouvait son groupe, sa meute de potes et les échanges délirants sur les vacances embrayaient avant même l'entrée du lycée. Il s'était souvent demandé ce que cela faisait d'intégrer une American School, est ce que c'était comme dans les films ? Ou alors une école comme des millions d'autres ? À première vue un peu des deux.

Sa première impression fut que le lycée était immense, une sorte d'usine. Usine très moderne, blanche et cubique entourée de parcs et de pelouses. On pouvait au loin apercevoir un gymnase et quelques terrains sportifs, et des bâtiments annexes qui devaient sûrement servir de cafétéria ou de bibliothèque.

Il s'avança dans le brouhaha pour se diriger vers les bâtiments et sentit des regards se poser sur lui. La couleur de ses cheveux ne l'aidait pas à être transparent... Le garçon aperçu les panneaux d'affichage des classes et se dirigea vers ceux-ci. Il traversa l'immense cour avec une allure calme et sans trop de gêne. Au fur et à mesure, il sentait son stress s'évaporer. Ces gens étaient comme lui, ni plus ni moins. La peur de l'inconnu est parfois trompeuse. Arrivé devant les listes, il attendit son tour pour regarder puis s'approcha.

Les colonnes étaient incroyablement longues, il chercha vers le haut et son nom lui sauta aux yeux. Abramovitch, premier de la liste, en salle 206. Il se détourna et sortit du paquet de lycéens en soufflant un coup, reste calme. Pensa t-il. Ce garçon avait horreur des bains de foule, sûrement une agoraphobie cachée mais en général il n'était pas fan des gens. Il choisissait ses amis, et non l'inverse.
Il tourna sur lui même pour observer son entourage et il vit alors la porte du bâtiment principal grande ouverte où la plupart des lycéens s'engouffraient. Yunes décida de les suivre. L'intérieur était spacieux, rempli de casiers jaunes.

Des cris et des acclamations retentirent un peu plus loin, comme des encouragements, un chant de guerre pour une simple bagarre qui venait d'éclater.
C'était bien la dernière chose qu'il avait envie de voir, et continua donc d'avancer vers le premier étage. En haut des escaliers, il s'avéra que ce bâtiment carré fût en fait creux au milieu et laissait donc la place à des rambardes jaunes aux trois étages donnant sur le vide. Mais en s'approchant il vit que ce vide donnait en fait sur le hall aux casiers. Le combat de fauves se déroulait juste en dessous, la vue était prenante et bien d'autres étaient appuyés au rambardes en criant toutes sortes de clameurs et d'infamies pour alimenter l'altercation entre les deux garçons. Ce genre d'événements ne faisait que le conforter dans son idée qu'il avait sûrement mûri plus vite que la moyenne. Accoudé à sa barrière il se plaisait à observer les gens crier et s'esquinter la gorge pour si peu. Incroyablement puéril. Tellement de monde qu'il se demandait si les balustrades n'allaient pas craquer.

À côté de lui se trouvait un garçon brun, le coude sur la rambarde et le menton posé dans sa main l'air de s'ennuyer à mourir.
Yunes le regarda. Sans trop savoir pourquoi, son expression lui était familière. L'autre, se sentant observé, tourna la tête vers lui.... Et son expression passa de l'ennui à l'étonnement. Puis, comme si de rien était, il reprit un air blasé.

Avant que Yunes n'ait pu penser ou dire quoi que ce soit, il parla.

HEY, RUDYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant