HEY, RUDY

F A N T A S M E

LXIX

                 Yunes relâcha son étreinte autour de son cou et posa ses mains derrière lui sur le marbre froid pour s'appuyer dessus.

— Il rentre demain... je n'aurai pas à attendre longtemps...

Et il descendit de son perchoir en croquant un sablé à la framboise qu'il avait préalablement déniché dans un des placards. Son air amusé ne le quittait pas, excité que Rudy soit de nouveau tout près de lui.

— Tu me montres ta chambre ? Demanda le brun en fixant l'escalier de bois et de métal qui menait à l'étage.

Le blond céda sans problème à sa demande et commença à monter quelques marches.

— Prend tes affaires... à moins que tu préfères dormir sur le canapé. Affirma-t-il d'un sourire provocateur.

Rudy ne répondit rien face à la médiocrité de cette blague à l'issue évidente, se contentant simplement de lui pincer furtivement les fesses en haut de l'escalier. Le concerné s'écarta vivement vers sa chambre en protégeant son derrière avec ses mains comme s'il eut été une propriété sacrée.
Le blond s'affala sur son lit et observa le brun pénétrer dans cette espace privé et un peu intime malgré le malaise qu'éprouvait Yunes à vivre avec son père ; qui le freinait dans son affirmation de soi. Par conséquent, même si les murs blancs étaient recouverts d'affiches de groupes de musique et que l'espace était habité par beaucoup de plantes et de guirlandes, chaque objets restait à sa place pour que tout paraisse bien rangé et bien ordonné, comme son esprit. Ou du moins, c'était ce que son père désirait, et c'était l'image qu'il lui renvoyait.
La réalité de l'intérieur de son crâne était bien plus complexe et pommée, surtout en ce moment.

Un courant d'air léger filait dans la pièce alors que Yunes avait laissé la fenêtre à l'espagnolette le matin même pour aérer et faire déguerpir l'odeur d'alcool ; ce qui avait plutôt bien fonctionné.
Rudy déposa son sac noir au pied du lit et passa le long des étagères murales remplies de bouquins, ce CD, de carnets de croquis, de journaux intimes entamés jamais terminés et de plantes plus ou moins exotiques...
Il parcourut la pièce du regard et s'arrêta et plusieurs reprises sur des objets insolites comme un cadre avec une photo, l'Écume des jours traînant sur la table de nuit ou encore la grosse contrebasse appuyée au mur dans un coin de la pièce.

— Est ce que tu en joues ?

Yunes étira un sourire.

— Peut-être qu'avec une partition j'arriverai encore à sortir quelque chose de potable.

Rudy se retourna vers les étagères.

— Je peux regarder tes livres ?

— À ta guise.

Le brun pencha légèrement la tête pour lire les titres sur les tranches et parcourut les couvertures du bout des doigts.

— Tu aimes l'art ?

Yunes se leva du lit pour s'approcher de lui et regarder l'objet de sa question. Un album sur Warhol et Basquiat.

— C'est Elias qui m'a donné goût à ça. Je l'accompagne dans toutes les expos depuis pas mal de temps, son père est galeriste d'art moderne.