VI
Il détourna le regard, et se sentit satisfait. Pas enchanté d'être avec ce Rudy, loin de là, mais satisfait. Il préférait se retrouver avec ce garçon à l'allure étrange, qu'avec un benêt empoté et stupide.
Madame Clark quant à elle, avait perdu son sourire et semblait très embarrassée. Elle croisa les mains et fit mine de reprendre contenance.— Bien. Alors c'est parfait. Tout est parfait. Affirma t-elle. Je vous distribuerai les sujets demain. En attendant, nous allons sans plus tarder découvrir les thèmes majeurs du programme...
Yunes n'écouta pas la fin, la tête dans les nuages il pensait à Paris et sa vie dans le quatrième. Un caprice d'inconfort familial et il avait tout plaqué, était-ce vraiment la bonne décision ?
Il y a ceux qui partent parce qu'ils n'ont pas le choix. Qui partent sans trop de certitudes... Lui, était parti par envie de changement ; et surtout parce que sa situation financière le lui permettait. C'était une des rares choses qu'il admettait devoir à son père, l'argent.
Il y a quelques années de ça, il avait lu, sur la couverture d'un magazine people, que l'homme parfait était beau, riche et intelligent. À l'époque, il se disait que, après tout, c'était peut-être bien vrai. Aujourd'hui, il n'y croyait plus.Son esprit était aussi occupé par le sport, qui occupait une grande place dans sa vie. À l'âge de six ans, son père l'avait inscrit à un stage de judo, et depuis, jamais plus il ne s'en était passé. Il avait intégré un sport-études au collège, puis un Pôle Espoir au lycée. Son père s'y était fermement opposé à cause de sa maladie, mais rien n'y faisait, Yunes était trop butté et son entraîneur l'encourageait à poursuivre, persuadé qu'il irait loin.
Et il avait presque lu l'avenir.
En seconde, ses résultats aux championnats de France lui avait permis d'accéder aux championnat d'Europe qui se déroulaient l'année suivante à Berlin en tant que membre de l'équipe de France Cadets. Un vrai conte de fée pour tout sportif.
Mais une fois sur place, alors qu'il retournait ses adversaires comme des crêpes, il se retrouva en demie finale face à Niels Andersen... Un danois aussi entraîné qu'une machine à tuer. C'est vrai, oui c'est vrai que chacun avait admiré la ténacité de Yunes et beaucoup disaient qu'il avait réussit un exploit, tenir plus de trois minutes face à Niels. Mais trois minutes ou pas, Niels Andersen était un titan, et il l'avait conduit, de tout point de vue, à la rupture physique. Après s'être fait mettre définitivement à terre, le public avait pu admirer sa violente crise d'anémie, l'arrivé en trombe des urgences et les larmes de Niels qui pensait l'avoir tué. Celui-ci avait d'ailleurs rendu visite à Yunes à l'hôpital le lendemain, après avoir remporté le championnat haut la main, et lui avait apporté un cadeau nommé Crack. Une tortue. Accompagnée d'une boite de salade et de milles excuses. Yunes avait gardé Crack, qui faisait sa vie à Paris, se baladant dans l'appartement et mâchouillant de la salade devant la baie vitrée.
Mais il avait le cœur lourd, à l'heure actuelle il était toujours membre de l'équipe de France et par conséquent, il devait aller aux championnat d'Europe. En mai, à Prague. Seulement, sa venue ici compliquait tout et il attendait toujours que sa demande de voyage soit acceptée par l'établissement.Il soupira...
Le reste de l'heure passa comme une traînée de poudre. À la sonnerie, il regarda son emploi du temps et rangea ses affaires sans se faire prier. Il s'apprêtait à sortir, lorsqu'une une voix le retint.
Décidément...— Yunes ! Venez me voir, je vous prends deux minutes !
Il se retourna et vit sa professeure faire des gestes en l'air comme un phare alertant un bateau du récif.
Il s'approcha du bureau, se demandant ce qu'elle pouvait bien lui vouloir.
Mais elle ne parla pas, pas tant que tous les élèves n'avaient pas quitté la salle. Le dernier sortit et enfin elle ouvrit la bouche.— Oh je ne vais pas t'embêter très longtemps, il me semble que tu as un cours avec Mr Roger juste après, enfin être en retard à un cours de français ne devrait pas te poser trop de problèmes. Elle rigola et embraya. Je t'avoue avoir été très étonnée de voir que ton binôme serait Rudy. Enfin... Ne te méprends pas, j'adore ce garçon. Mais peut-être cela ne sera pas ton cas, tu verras il est un peu difficile...
Elle perdit ses mots.
— Eh bien je me ferai mon opinion. Répondit-il pour combler le silence, ne sachant pas vraiment où elle voulait en venir.
Elle sembla encore plus embarrassée.
— Oui c'est ça très bien... Bon, va en cours il est encore temps.
De tout évidence elle n'avait pas terminé sa phrase et aurait aimé lui en dire plus. Mais cela ne l'intéressait pas, et si cette discussion s'arrêtait là, c'était très bien.
— Merci et bonne journée à vous.
— Oui à toi aussi !
Il sortit de la salle et pensa en marchant à ce qu'elle venait de lui dire.
Difficile, il en avait vu d'autres des difficiles venant des bas quartier de Paris, ça ne l'effrayait pas le moins du monde. Perdu dans sa rêverie, il se heurta à quelqu'un et leva la tête.— Décidément Yunes, le destin veut que tu me tombes dessus à chaque fois.
Il reconnut alors immédiatement le garçon de la rambarde, qu'il avait rencontré le matin même, lui et ses grands yeux jaunes. Celui-ci afficha un air rieur et s'éloigna.
Yunes resta... perturbé. Comment connaissait-il son nom ?
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HEY, RUDY
Romantik« Rudy c'est comme un orage, ça prévient pas, c'est derrière le brouillard, et le jour où ça pête à la gueule de tout le monde, on est bien emmerdé. » C'était ce qu'on disait. Yunes est dans sa dix-huitième année, lorsqu'il le rencontre : Rudy. Comm...