C E S O I R

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XXXIII

08:00 ~ Chambre

Yunes se leva du pied gauche, comme environ un matin sur trois, et commença sa journée par se remémorer les mots quelques peu offensants qu'il avait sorti à Rudy la veille au soir.
Mais d'un autre côté, lorsqu'il songeait à tout ce qu'il possédait et à toutes les filles avec qui il couchait, il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il avait eu raison d'agir ainsi.

Mais il eut quand même un pincement au cœur à l'idée de ne pas se réveiller dans ses bras, tant il avait aimé les rares fois où ils avaient dormi ensemble. Il fallait qu'il se le dise et se le répète : un connard reste un connard.

Il prit le petit déjeuner dans sa chambre, et s'habilla de façon un peu moins lax que la veille avec les quelques vêtements qu'il avait ramené.
Yunes se demandait si Rudy travaillait ici, ou s'il était simplement là pour observer...
Zak avait raison, en réalité il ne savait pas grand chose de lui.

Après s'être habillé et reluqué dans l'immense glace, il regarda son emploi du temps qui lui indiquait Sélection, étage 24, salle 3 de 9h à 12h.
Ça avait le mérite d'être clair.
Il descendit donc jusqu'au vingt quatrième, en croisant toutes sortes de gens, des hôtesses, des femmes et hommes de ménage, des jeunes, des moins jeunes, des très pressés...
Ici il fallait vraisemblablement apprendre à ne pas se faire bousculer et marcher dessus.

Arrivé à l'endroit demandé, la porte était ouverte, il y avait pas mal de bruit à l'intérieur, comme des flash d'appareils photo.
Il passa la tête à l'intérieur à la manière d'un suricate, voyant alors que cette salle n'était autre qu'une sorte de studio photo...
Il entra, et une dame lui sauta dessus, grosse lunettes rouges et robe vert pomme affreux.

— Ah ah ! S'écria t-elle. Si vous ne portez pas de costard, vous êtes le stagiaire !

Yunes écarquilla les yeux, surpris. Mais il acquiesça. Le brouhaha autour d'elle avait couvert sa voix, pas grand monde ne l'avait encore remarqué.

— Madeline Shieffer, chef de studio. Annonça t-elle d'une voix enjouée en lui tendant une main bien potelée.

Il la serra.

— Alors aujourd'hui, commença t-elle en s'avancant dans la pièce au milieu des machinistes overbookés qui couraient dans tous les sens, nous effectuons une sélection de mannequins pour les prochaines collections printemps été que nous enverrons à la Fashion Week.

Elle se retourna et baissa ses grosses lunettes pour le regarder de haut en bas à la manière d'une carpe.

— Dommage que mannequin ne soit pas votre vocation, vous feriez grand bruit, quoi qu'il vous manquerait peut être un ou deux centimètres.

Et elle soupira.
Yunes prit ça comme un compliment.

— Vous allez vous assoir là bas, lui annonça t-elle en pointant une table blanche juste en face d'un podium de défilé blanc autour duquel étaient installés les spots, les projecteurs et les appareils. Bon, entre nous, Mr Gianelli est d'une humeur de chien ce matin. Bon courage mon garçon.

Et elle s'en alla crier sur un machiniste.
Drôle de bonne femme...

Yunes s'avança vers la table blanche, et personne ne sembla étonné qu'il y prenne place. À sa gauche se trouvait Rudy, et cinq autres personnes étaient assises de part et d'autre en prenant des notes.

— Pile à l'heure. Annonça le brun d'un air calme, concentré à écrire.

Yunes n'ajouta rien.

— Suivant ! Annonça un homme en bout de table.

Des femmes en hauts talons arrivèrent les une après les autres, s'arrêtant devant eux, qui se faisaient prendre en photo et observer...
Yunes avait l'impression d'être le jury de Miss France, émission qu'il détestait, tout comme le métier de mannequin, qu'il jugeait beaucoup trop cruel.
Le blond jeta un œil sur la feuille de Rudy, qui mettait des croix s'il validait ou non les candidatures.

— Comment... Comment tu choisis ? Osa t-il.

— Je regarde la forme de son corps, il elle est trop maigre je ne prends pas, ensuite je regarde son visage et sa manière de marcher.

— Pourquoi éjecter celles qui sont maigres ? C'est un peu discriminatoir non ?

Il posa son stylo et soupira.

— Sélectionner les mannequins les plus en chair pour moi c'est combattre ce cercle vicieux de l'anorexie. Les femmes ne sont pas des cintres.

Yunes se répéta cette phrase, et conclu que son raisonnement tenait la route. Même si sa vision du mannequinât ne changeait pas...

12:46 ~ Fondation Walter Blue

La sélection avait prit du retard, trois quarts d'heure exactement. Yunes en avait beaucoup appris sur les critères très strictes de ce milieu, et avait observé trois heures durant des jeunes personnes, filles et garçons, se dandinner devant lui.
Le plus dur n'avait pas été l'attente, le plus dur avait été de respirer le parfum de Rudy sans pouvoir y toucher.
Sans qu'il puisse contrôler son désir, plus que n'importe quoi d'autre il aurait aimé être dans ses bras, pouvoir se sentir unique encore une fois. Mais il se le rappelait sans cesse : ceux qui avaient été trop faibles pour résister avaient terminés broyés et le cœur cassé d'avoir approché Rudy de trop près.

— Je reprends à treize heure trente, il faut qu'on se dépêche de manger. Déclara Rudy.

— On ? Demanda Yunes étonné.

— Sauf si tu veux manger tout seul.

Le blond lui emboîta le pas à travers la fondation qu'il semblait vraiment connaître comme sa poche. Le brun ouvrit l'ascenseur et toutes les personnes qu'il croisait le saluaient d'un signe de tête ou avait une parole à lui adresser.

Arrivé au restaurant du haut, il prit place sur une banquette devant une table, dos à la baie vitrée, et Yunes s'assit en face de lui.
Le brun retira sa cravate et sembla revivre.

— Est ce que... Vous êtes obligé de porter un costume ?

Rudy grimaça.

— Normalement non, mais mon père m'oblige à respecter l'étiquette. Tu peux pas savoir comme ça me fait chier.

Il retira sa veste de costard et ouvrit le premier bouton de sa chemise blanche.

— Je suis bien content de pas avoir à suivre l'étiquette... Avoua le blond.

— Tu vas y avoir droit. Lui affirma Rudy d'un rictus.

Pardon...

— Je sais pas...

— Ce soir. Ce soir nous allons dîner chez des gens très importants. Hors de question d'être habillé comme tu l'es, même si j'avoue que j'ai un faible pour ton style vestimentaire...

Yunes s'apprêtait à parler mais il le coupa.

— Alors c'est le genre de soirée chez des vieux autour d'une table ronde, un truc très chiant mais la qualité du canard laqué te fera oublier que tu t'ennuie à mourir. Costard indispensable et cavalière obligatoire.

— J'ai pas de...

— Je sais, Alice t'accompagnera.

HEY, RUDYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant