XXXIX
Le jour perçait à travers les fins rideaux blancs. La grande maison était calme, tout le quartier semblait en proie à l'hypnose du samedi matin. Rudy était debout depuis neuf heures et avait confié Gabrielle à sa nourrice qui était venue la chercher.
L'hiver New-Yorkais arrivait à grand pas, les températures venaient de chuter brusquement et il était très agréable de se trouver bien au chaud dans le ventre de cette immense villa. Le brun avait passé une heure au téléphone pour régler quelques affaires que son père lui avaient donné histoire de lui faire prendre conscience de ses responsabilités.
Il était ensuite resté allongé dans le canapé de la pièce de vie, sans livre, ni portable ni télévision allumée. Juste lui et ses pensées, aussi limpides que de la boue.Ça le rendait heureux, de savoir que Yunes dormait paisiblement dans son lit. Cela changeait de sa routine qu'il ne supportait plus.
Il se trouvait égoïste de ne pas réussir à trouver le bonheur avec tous les biens que sa famille possédait. Et pourtant c'était bien là, cet ennui cruel le tenait à la gorge. À bientôt dix-huit ans sa vie était déjà toute tracée, ses parents lui avaient écrit un destin à la naissance. Et il savait qu'après le lycée sa vie ne serait plus qu'un véritable enfer ; il serait enfermé dans la fondation pour le restant de ses jours, il passerait sa vie à voyager et serait comme son père, n'ayant pas de temps pour sa femme ni pour ses enfants.
Et Gabrielle aussi était promise à ce destin heureux et sûr. Rudy l'avait remarqué qu'à force de vivre dans la matérialisation on finit par ne plus savoir quoi acheter et l'argent devient finalement une chose futile et dénuée de sens. Il ne trouvait plus aucun plaisir à acheter la plus belle voiture, ni à avoir la plus belle maison. Ce qu'il cherchait désespérément c'était les sensations de la vie, des plus simples aux plus tenaces.
Terminer ses livres, observer Gabrielle grandir, vivre la nuit avec Andrew et Alice, regarder les étoiles, être ivre, chanter faux, aller au lycée, enterrer sa mère, sauter dans une cascade, toucher de la soie, vomir, jouir, crier, danser...Mais la richesse l'avait toujours privé de deux choses qu'il voulait connaître avant de mourir. Être reconnu pour ce qu'il était, et non pour ce qu'il avait. C'était le plus gros frein à son existence. Combien de filles et de garçons s'étaient approchés de lui pour l'amadouer et se servir de son argent ? Combien ? Il ne comptait plus.
Et finalement il ne laissait plus personne l'approcher. Il avait finit par s'endurcir avec le temps. Parce que ça fait mal la trahison, quand des personnes que vous aimez partent sans raison et vous laissent une crevasse béante au fond du cœur.
L'abandon fait mal quand la trahison nous tue.
Il en avait longtemps voulu à sa mère d'être partie si soudainement. D'être partie sans l'avoir bercé ni élevé. Mais maintenant il comprenait, il comprenait ce qu'elle avait pu ressentir durant toutes ces années attachée à son père qui n'avait pas un instant pour elle.
Le plus ironique est que la peur empêche d'aimer, et que tout ce que désirait Rudy c'était d'aimer sans peur.Il avait réussit avec Andrew et Alice, et jamais il ne pensait avoir terminé de remercier la vie de les avoir mis tous les deux sur son chemin.
Mais aussi puissante que soit l'amitié il cherchait d'autres sentiments, des sentiments qu'il voulait éprouver avant d'être enfermé dans le cycle infernal du travail.
Et aujourd'hui c'était presque là, il se voyait renaître en Yunes. Il voyait émerger une partie de lui qu'il ne connaissait pas, une partie sûrement trop à découvert, mais il n'avait plus rien à perdre.
Yunes était bon, il en était persuadé.
Cela lui arrivait souvent de repenser à la première fois où il l'avait vu, devant le tableau de Mme Clark, les yeux d'un bleu intense, les cheveux clairs comme le jour et la peau d'apparence si fine.
Qui eut cru qu'il lui aurait résisté si longtemps ?
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HEY, RUDY
Romance« Rudy c'est comme un orage, ça prévient pas, c'est derrière le brouillard, et le jour où ça pête à la gueule de tout le monde, on est bien emmerdé. » C'était ce qu'on disait. Yunes est dans sa dix-huitième année, lorsqu'il le rencontre : Rudy. Comm...