R O M É O

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LXVII

             Yunes tourna la tête en direction du bruit et referma lentement la porte du frigo. Ça ne pouvait pas être son père, et Elias n'aurait pris la peine de frapper s'il avait oublié quelque chose.
Il posa les œufs sur l'îlot de la cuisine et se dirigea vers l'entrée avec une appréhension douteuse, comme s'il sentait que la police ou le FBI se trouvait juste derrière la porte pour lui annoncer quelque chose qu'il n'avait pas envie d'entendre. L'appel de la veille le laissait perplexe. Il lui était arrivé tant de choses aux États-Unis qu'il en venait même à se demander si ça n'était pas les potes Jack ou quelque chose de plus terrifiant encore, quelque chose que même Andrew ne pourrait pas contrôler.
Il hésita donc, peu désireux de tomber nez à nez avec des gens venus là pour se débarrasser de lui... Mais la tentation était trop forte et poussa sa main jusqu'à la poignée de la porte d'entrée. Il l'ouvrit en grand, et une sensation de déséquilibre monta jusqu'à ses nerfs. En réalité il resta planté au sol sans bouger d'un pouce. Toute la peur retombait jusque dans ses talons pour laisser place à une stupéfaction et à un mélange d'émotions qui produisirent une sorte d'explosion sous son crâne.
Rudy se tenait là ; juste devant lui, le fixant avec son air assuré mais magnanime, sans oublier ses beaux yeux noirs.
Sa main resta accrochée à la poignée métallique et froide la porte d'entrée, comme tétanisée.
Rudy arborait un petit sourire en coin qui plissait sa joue de cette manière si rare et si singulière. Pour la première fois il semblait être un peu ébranlé de se retrouver là si promptement.
Yunes baissa la tête et couvrit son visage d'une main pour contenir la vague de larmes qui lui venaient aux yeux.

— Moi qui pensais que tu serais heureux de me revoir. Le taquina le brun, sachant parfaitement que ses larmes n'avait pas le goût du chagrin, mais plutôt celui d'un vertige euphorique incontrôlable.

Yunes ne put retenir un rictus ; il avait presque oublié son penchant cruel pour la provocation. Il redressa la tête et affronta son regard perçant de ses jolis yeux bleus, humides et luisants.
Sa main lâcha enfin la poignée de la porte et son corps tout entier se résolut à faire un pas vers lui pour l'enlacer avec envie et ferveur.
Il sentit immédiatement les mains du brun se poser sur ses hanches avant de l'enserrer avec force. Les doigts de Yunes passèrent dans chacune de ses boucles noires et douces comme pour s'assurer que cela n'était pas un rêve. Le parfum de la peau de son cou lui semblait si lointain. Il resta ainsi blottit contre lui le temps que son cœur se calme, que son esprit reprenne pied et que ses muscles lui permettent de tenir parfaitement debout.
En quelque secondes tout se trouvait boulversé. Un torrent d'émotions le traversait, contrastant avec le calme de l'appartement et du hall de l'immeuble derrière eux.
Yunes sentit les mains de Rudy remonter le long de son corps alors qu'il le redécouvrait, jusqu'à sa nuque.
Le blond se résolut à quitter son cou et posa son front contre le sien. C'était la première fois qu'il pouvait observer Rudy sourire, et il devait bien avouer que son cœur chavirait un peu plus tant cela le rendait beau.
Il le vit se mordre la lèvre inférieure, comme si une envie brûlante de l'embrasser le rongeait, mais qu'il attendait sa permission...
Yunes sentit son hésitation et n'attendit pas un instant pour poser doucement ses lèvres sur les siennes. Rudy referma son emprise sur les hanches du blond et ne put s'empêcher de pimenter cette étreinte charnelle en mordant ses jolies lèvres qui lui avait manqué plus que de raison. Le blond ne put réprimer un gémissement étouffé et s'agrippa à ses cheveux.

Le brun relâcha son emprise sur lui a l'entente de pas dans les escaliers de l'immeuble. Yunes vit alors son voisin descendre, accompagné de son teckel. Il les regarda de haut en bas, devinant à peut près que qu'il se tramait dans cet encadrement de porte. Puis il tourna la tête avec dédain et la lourde porte principale claqua. Yunes ferma les yeux comme s'il était à la fois soulagé et consterné qu'il les ait vu... Il savait que cet homme ne lui apporterait que des ennuis s'il rapportait ce qu'il venait de voir ; puisqu'il était l'un des « amis » proches de son père, votant très à droite et certainement très surpris de voir le fils de son voisin fricoter sous son toit avec un garçon.

HEY, RUDYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant