Z É P H Y R

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XCI


Trois jours plus tard

Illyes avait finalement mis les voiles avant qu'un avis de recherche soit lancé, disparaissant pour de bon au Mexique, ne laissant aucune trace.
Son appartement avait été vidé entièrement par les membres d'un gang que le garçon connaissait bien, moyennant quelques billets et le droit de revendre tout le matériel informatique récupéré.
L'appartement avait été saisit par la police le lendemain, mais Illyes était déjà loin.
Il avait pris le temps de passer chez Yunes lui dire au revoir, l'incitant à retourner voir ses amis et sa famille pour ne pas rester seul. Yunes avait suivit ses conseils, conscient que le confinement de la solitude ne l'aideraient en rien à affronter la réalité et à calmer son chagrin.
Il avait également dû se rendre au commissariat où l'on lui fit subir un interrogatoire en présence de Lenny Perlman à qui il dû mentir ouvertement pour couvrir Illyes. Le garçon avait les yeux dans le vide, redoutant le jour où l'on découvrirait qu'il avait été mêlé à tout ça, et qu'il avait protégé des tueurs, qui dormaient à présent profondément.

Chlaus et Dolce Gianelli se trouvèrent en garde à vu assez rapidement, et comme Illyes l'avait prédit, il ne leur restait même plus assez d'argent pour payer les cautions, maintenant que les créanciers leur collaient au cul. Une enquête fut ouverte sur les agissements de l'entreprise Walter Blue qui avançait à une vitesse folle. Yunes témoigna contre Dolce Gianelli, en révélant les actes de maltraitance que Rudy avait subit étant petit, par sa faute et celle de son ex-femme. Miraculeusement, Chlaus décida d'appuyer les dires de Yunes, confirmant sa version des faits alors que son frère avait acheté son silence il y a de ça des années. Yunes compris alors que l'argent divise, surtout lorsqu'il vient à disparaître. La famille Gianelli se déchira vivement et Dolce engagea un procès contre son propre frère pour diffamation.

Les trois jours qui s'écoulèrent après l'ouverture de la lettre figurèrent donc parmi les plus pénibles que Yunes eut à vivre, entre cauchemars et insomnies, médicaments et abnégation, cœur en miette et début de deuil.
Il se décida à aller au lycée le jour de la rentrée, puisque maintenant qu'Illyes n'était plus là, rien ne pourrait plus épancher la cruelle solitude dans laquelle Rudy l'avait plongé.
Il n'avait pas répondu aux messages de Élias qui était au courant de la nouvelle maintenant qu'elle avait fait le tour des réseaux sociaux, ni à ceux de son père, qui, semblait-il, s'inquiétait de sa bonne santé mentale.

Le trajet en bus lui parut plus long et surtout plus pénible que d'habitude, il sentait les regards appuyés, compatissants mais pénibles des gens autour de lui. Tout le monde ne parlait que de ça, en chuchotant. Certaines filles allaient même jusqu'à pleurer, certains parlaient des vidéos de surveillance qui avaient fuité sur le net, d'autres se plaignaient que jamais le lycée ne pourrait retrouver son ambiance d'origine. Le bus se gara devant l'entrée et Yunes descendit calmement, comptant bien faire abstraction des rumeurs et des ouïe-dire pour le moment, sous peine de ne jamais pouvoir trouver la tranquillité dont il avait tant besoin. Et la première chose qu'il remarqua en s'avançant vers l'entrée, c'est que les drapeaux étaient en berne. La neige avait cessé de tomber depuis un moment et tout était sec, le soleil tapait généreusement sur la ville qui vivait comme un jour de printemps.

C'est alors qu'il aperçut Zak, debout près de la grille, un petit sourire aux lèvres, qui semblait l'attendre. Ça faisait longtemps, beaucoup trop longtemps, et Yunes ne put s'empêcher de sourire, pour la première fois depuis trois jours.

— Je pensais pas que tu reviendrais de si tôt.

— Disons que j'avais pas très envie de rester seul chez moi à croupir pendant que le monde avance. Osa le blond, pas trop sur de lui puisqu'au fond, rester croupir chez lui ne l'aurai pas dérangé... le monde avançait bien lentement depuis la disparition de Rudy.

— T'as fait le bon choix, et puis tout le monde comprend plus ou moins ta peine. C'est le trio légendaire de ce lycée qui vient de nous claquer entre les doigts, tout le monde est là pour toi. Moi je suis là pour toi.

Yunes lui offrit un sourire reconnaissant, observant tous les élèves qui entraient dans le lycée, une fleur ou un bouquet à la main.

— Bon par contre le lycée va pas être le meilleur endroit pour l'oublier, le grand hall est rempli de fleurs et de gens qui chialent.

— On ne peut pas vraiment leur en vouloir...

— Tu parles... Encore une belle brochette d'hypocrites qui ne les connaissaient même pas. Andrew et Alice n'auraient pas voulu ça, et Rudy encore moins. Ils auraient voulu qu'on fasse une grosse fête.

Yunes regarda au loin, pensif...

— Mais ils ne sont plus là donc... les gens peuvent bien faire ce qu'ils veulent pour soulager leur douleur.

— Mouai, mais si tu veux mon avis les gens ne déposent pas des fleurs pour les honorer mais plutôt pour consoler leur propre petite personne parce qu'ils sont dans l'incompréhension la plus totale, Rudy n'a pas juste provoqué un choc émotionnel, c'était un choc de société. Le fils de milliardaire qui met fin à ses jours de façon tragique... tour le monde voulait sa vie, tout le monde le jalousait, personne n'y comprend rien... Enfin, jusqu'à ce que l'affaire éclate du moins.

— Je me dis la même chose, mais pour le moment c'est comme ça et on y peut rien... Laissons du temps au temps.

— Mh... Tu ne va pas à l'enterrement j'imagine ?

— Non je ne pense pas... Et de toute façon je ne sait pas où ils le commémorent.

— La sépulture a lieu à dix heures ce matin. À coté de la plage de Rockaway Beach, les Gianelli possèdent une immense propriété avec de grands jardins, toute leur famille est enterré là-bas.

— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée que je croise cette famille après la pagaille que je viens de causer.

— C'est pas grave on ira cette après midi quand il n'y aura plus personne, ça va te faire du bien.

Le vent passa dans les cheveux blonds de Yunes qui réfléchissait à ce qu'il allait faire dorénavant, peut-être devrait-il aller sur cette tombe... Mais ensuite ?

Il sentait que le zéphyr le poussait à reprendre le large.

HEY, RUDYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant