Musique ~ Alone
XXXV
21:56 (lendemain) ~ Ville
Yunes n'avait pas vu Rudy de la journée, depuis la veille en réalité. Après leur échange quelque peu tumultueux du soir, il pouvait comprendre qu'il ne veuille pas entendre parler de lui. Mais il aurait aimé connaître son état d'esprit, était-il en colère, triste, inchangé, rancunier...? Lui avait encore à l'esprit le goût sucré de ses lèvres sur les siennes.
Le blond marchait sur les trottoirs bruyants de la ville depuis une bonne demie heure, ayant refusé le taxi qu'on lui avait proposé pour rentrer de son entraînement. Il arriva devant la fondation, encore allumée, dans laquelle traînaient encore quelques techniciens de surfaces fatigués et sûrement pas payés très cher pour astiquer ce monument...
Il monta dans l'ascenseur et se rendit jusqu'au dernier étage, croisant trois femmes de ménage qui ne parlaient même pas tant elles étaient exténuées. Cela se voyait à leur mains, abîmées et écorchées, délavées en quelque sorte. Yunes pensa alors que l'on pratiquait dans ces endroits une sorte d'esclavage de luxe, payer des femmes noires à bas prix tandis qu'on se prélasse dans des sofas, c'était décidément trop facile.
Arrivé en haut, il laissa tomber son sac de sport à coté de son lit et s'étira. Il avait mal partout et un bon bain chaud n'aurait pu lui faire que le plus grand bien... Il retira ses chaussures d'un coup de talon habile et se dirigea vers la salle de bain - plus précisément vers la baignoire qui lui souriait - et fit couler l'eau. Il passa deux doigts sous le jet pour vérifier la température, aussi froide que l'eau d'une cascade. Il attendit un peu, mais même en tournant le mitigeur à bloc vers le rouge, l'eau chaude ne venait pas... Il arrêta tout, et resta assit sur le bord de la baignoire à pleurnicher intérieurement. Son reflet lui parvint alors du miroir non loin de lui, il avait vraiment l'air d'un dégingandé, on aurait pu se demander ce qu'il faisait dans un endroit pareil. La taille haut de son jean boyfriend lui appuyait sur le bas des côtes lorsqu'il était assis, et lui fit comprendre qu'il devait avoir un nouveau bleu quelque part aux alentours... Il soupira et regarda la tache d'eau qu'il venait de faire sur son t-shirt kaki...
Rester là ne l'aidait décidément en rien, hormis le fait de relever tous les détails de ce qui n'allait pas chez lui. Il se motiva et sortit de la chambre pour trouver quelqu'un capable de trouver d'où venait cette panne d'eau si frustrante.Le couloir était éclairé par les lumières de la pièce de vie qu'il avait oublié d'éteindre - cet endroit lui faisait décidément oublier ses valeurs d'écologiste - et il aperçut la suite des escaliers en colimaçon qui menaient, d'après ce qu'il avait retenu des paroles de Lydia, aux appartements de Rudy. Deux choix s'offraient à lui, aller chercher quelqu'un dans ce labyrinthe d'étages et de couloirs interminables, ou aller demander à Rudy s'il savait quelque chose. Même s'il savait qu'il n'avait qu'à descendre au rez de chaussée voir les dernières personnes qui travaillaient et que celles-ci lui apporteraient toutes les réponses à ses questions... Il commença à gravir les marches de l'escalier. C'était comme pénétrer dans un espace interdit. C'était silencieux et plongé dans la pénombre, il y avait plusieurs portes, mais il ne savait pas laquelle était sa chambre. Jusqu'à voir un petit post-it collé sur l'une d'entre elles où était inscrit « don't bring dinner tray tonight.», et il jugea que ce devait être cette porte. Il ne voyait pas de lumière et n'entendait aucun bruit, et espérait alors qu'il ne dorme pas déjà.
Sans qu'il le veuille, son cœur accéléra lorsqu'il mit la main sur la poignée. Elle était froide... il la tourna délicatement au creux de sa main et poussa le battant. Tout était sombre, aucune source de lumière n'avait été allumée, un halo bleu envahissait seulement l'espace, la lumière de la lune mêlée à celle des immeubles qui faisaient face et bordaient les alentours de la fondation. Une légère odeur de cigarette flottait dans l'air. Pour cause, Rudy était assit devant la baie vitrée, dos à lui. Il tourna la tête un instant pour voir de qui il s'agissait, puis se tourna à nouveau, continuant à consumer sa clope. Il fallait avancer d'un mètre avant d'arriver vraiment dans la pièce et d'en voir l'entièreté. Une chambre très simple à première vue, presque trop.
VOUS LISEZ
HEY, RUDY
Romansa« Rudy c'est comme un orage, ça prévient pas, c'est derrière le brouillard, et le jour où ça pête à la gueule de tout le monde, on est bien emmerdé. » C'était ce qu'on disait. Yunes est dans sa dix-huitième année, lorsqu'il le rencontre : Rudy. Comm...