V
C'est alors qu'il vit des sourires amusés sur des lèvres, des chuchotements plus ou moins discrets.
Enfin, la porte s'ouvrit, et tout bruit cessa. Un garçon franchit le seuil, un garçon aux cheveux noirs comme l'ébène. À la peau légèrement colorée, et blessée sur le haut de la pommette. Il avait un air léger et arrogant.
Sa prestance était, à première vue, aussi insupportable qu'intimidante et rien ne semblait pouvoir l'ébranler.
À ce moment là, il ne comprit pas pourquoi le silence se faisait si absolu ; pas avant d'avoir croisé son regard.
Lorsque celui-ci se posa sur lui, couvert par de longs cils, il pensa qu'une expression aussi farouche que celle qu'il dégageait ne pouvait pas exister. Ses yeux noirs s'attardèrent sur lui une seconde puis se détournèrent.— Rudy... Soupira madame Clark à mi-voix.
Il s'approcha d'elle et d'un bras lui tendit le justificatif de son retard.
Elle se pencha dessus, et de ce que Yunes pouvait voir à un mètre, il était excessivement long.
Elle releva les yeux.— Je m'attendais à quelque chose de plus inventif de ta part. Bon va t'assoir.
Le garçon s'exécuta, et Yunes se demanda si son expression était toujours aussi sauvage.
Mais il n'eut pas le temps de s'attarder sur la question. Il s'était adossé au tableau le temps de cette interruption, mais désormais, c'était bel et bien à lui de parler. Il se redressa donc et madame Clark s'approcha de lui.— Revenons à nos moutons. Parle nous un peu de toi et de ce que tu es venu faire ici. Annonça t-elle en frappant simultanément ses deux mains sur ses cuisses dodues.
— Eh bien... Entama le blond. Je m'appelle Yunes Abramovitch, j'ai dix-sept ans, enfin, bientôt dix-huit. Je suis né ici, à New-York et ce n'est qu'après que je suis parti en France avec mon père. J'ai décidé de venir terminer mes études ici pour des raisons personnelles. Et... c'est à peut près tout ce qu'il y a à savoir de moi.
— C'est amplement suffisant, je suis, je ne te le cache pas, tout à fait enchantée de t'accueillir dans cette classe... Tu peux retourner t'assoir.
Il lui sourit et fut soulagé qu'elle ne lui pose pas plus de questions, il retourna donc s'assoir, écourtant son séjour au tableau pour son plus grand bonheur.
Cela lui arrivait souvent de se lever du mauvais pied, comme aujourd'hui où il n'avait envie de rien, juste de finir sa journée. Mais ce qui enflammait sa mauvaise humeur était le regard des gens. Il était nouveau certes, il avait des cheveux blond froid certes, mais là, il avait l'impression d'être une caille au milieu de chiens affamés. Après s'être félicité de sa métaphore, il sortit ses affaires et observa sa classe en rêvassant.Madame Clark termina l'appel et se lança dans une distribution de papiers de grande ampleur. Personne n'écoutait réellement ses explications, chacun discutait avec son voisin ou sa voisine, d'autres étaient sur leur téléphone avec tonton, tata, leur vie, leur chien... qui sait. La professeur s'avança vers lui d'un pas lourd et lui présenta des documents.
— Alors nous avons, commença t-elle avec entrain, le certificat de scolarité, la demie pension, l'assurance scolaire et le responsable légal ou tuteur à proximité de l'établissement. Quatre papiers à faire parvenir à ton père, vu sa situation géographique il dispose d'un mois pour qu'il soient revenu ici signés. Ensuite, voici ton emploi du temps et différents documents sur les activités et club sportifs du lycée. Tu as des questions ?
— Non ça devrait aller merci. Répondît-il en regardant les papiers.
— N'hésite pas à venir me voir en cas de besoin.
Sur ce, elle repartit. Il ne savait pas vraiment s'il l'aimait bien, elle était drôle et sympathique, mais peut-être un peu trop turbulente pour lui.
Plantée devant son bureau, elle réclama le silence.— Bien ! Notre programme n'est pas excessivement lourd cette année, alors ce que nous allons faire c'est que je vais retirer une partie des devoirs à faire à la maison...
Avant qu'elle n'ait pu terminer sa phrase l'engouement avait gagné la classe et elle réclama une fois de plus le silence que les élèves finirent par respecter.
— Je disais donc, je vais retirer une partie des devoirs à faire chez vous. Mais, il y a toujours un mais après une bonne nouvelle prenez-en note, à la place, je vous donne dès aujourd'hui un devoir sous forme de dissertation que vous devrez me rendre avant la fin de l'année que je noterai de façon intransigeante. Vous devez me rendre un minimum de quinze pages sur le sujet, en l'étudiant de fond en comble.
Toute joie avait été réduite à néant. Et de voir chacun se morfonde sur sa chaise faisait doucement rire Yunes.
— C'est un travail en binôme. Pas de groupe de trois vous êtes un nombre pair.
Une vague de soulagement submergea la salle et chacun se remit à discuter avec son voisin, d'autres se levaient pour trouver un partenaire. Quant à Yunes qui ne connaissait personne, il se mettrait avec la personne restante, et cela irait parfaitement.
Au bout de cinq minutes de bavardages incessants, Madame Clark pris une inspiration et s'égosilla à réclamer le silence, une fois de plus.— J'ai l'impression de gérer une crèche ! J'espère qu'avec tout ce boucan, que chacun a réussit à se dégoter un collègue !
La classe resta sans bruit et Yunes avait l'impression d'être le seul dépourvu d'acolyte.
— Bon... on va faire autrement. Qui est seul ? Demanda t-elle en observant la classe par dessus ses grosses lunettes.
Le blond leva la main et regarda autour de lui. À sa gauche, il y avait bien un autre solitaire... Qui lui accorda un regard, de ses yeux aussi sombres que la nuit.
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HEY, RUDY
Romance« Rudy c'est comme un orage, ça prévient pas, c'est derrière le brouillard, et le jour où ça pête à la gueule de tout le monde, on est bien emmerdé. » C'était ce qu'on disait. Yunes est dans sa dix-huitième année, lorsqu'il le rencontre : Rudy. Comm...