C R È V E - C O E U R

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XXV

Il n'osait pas le regarder. Il voyait simplement ses mains posées sur son bloc notes, triturant un stylo, blessées, colorées et abîmées. Mais il pouvait sentir son parfum ; sucré et bien singulier. Parfum dans lequel il avait baigné plusieurs heures, lorsqu'il l'avait enlacé pour la fin de la nuit.
L'atmosphère était étrange... comme anesthésiée.
Madame Clark les regardait d'un air intrigué ainsi que beaucoup d'autres personnes de la classe, des regards furtifs et des chuchotements. Évidement, deux guignols habillés en noir ayant les yeux explosés et des cernes jusqu'au genoux... ne passent pas inaperçu.

Rudy ne lui adressa pas la parole de l'heure et était apparement enclin à mettre une distance entre eux. Le blond avait le cœur lourd et des idées plein la tête, il avait envie de crier et peut être même de pleurer, qu'ils aient une discussion.
Ne pas rester dans le dénis.
Mais pour l'instant, il ne pouvait que mettre sa tête dans ses bras, et réfléchir en attendant la fin du cours.

Quand la sonnerie retentit, Yunes se leva en même temps que Rudy, et ils sortirent presque côte à côte dans le couloir.
Après quelques mètres, Yunes s'arrêta ; convaincu qu'il fallait crever l'abcès.

— Rudy ?

Le brun se tourna vers lui doucement, attendant la suite de sa phrase.

— À propos de...

— Oublie ça, le coupa t-il... J'avais juste besoin d'une nouvelle distraction. C'est tout.

Le cœur de Yunes rata un battement. Comme s'il s'était pris un coup de poing dans la poitrine. La méchanceté et le vice n'avait donc réellement aucune limite dans son monde...
Il vit la bouche du brun étirer un sourire narquois.

— Désolé pour la gêne occasionnée. Et sur ce rictus abominable, Rudy tourna les talons.

Yunes n'avait rien laissé paraître. Il voulait que son regard soit dur, comme l'armure de béton qu'il avait forgé autour de son cœur pour résister aux avances de cet abruti. Sage décision. Il attrapa la manche de Rudy calmement. S'il croyait qu'il allait s'en tirer comme ça...
Le brun parut un peu surpris et tourna un regard plein de dédain vers Yunes, qui, avec toute sa rancoeur, lui balança son poing dans la figure. Un poing tellement fort que lui même en fût étonné. Il l'attrapa par le col et le plaqua violemment contre le mur avant de s'approcher tout prêt de lui pour le fixer les yeux dans les yeux. Ils faisaient exactement la même taille, ce qui était arrangeant.

— Écoute moi bien p'tit con arrogant, va voir tes putes si elles seules peuvent t'aimer, bats-toi avec le monde entier si ça peut te soulager, crache sur la dignité des gens que tu croises si ça peut t'amuser mais dégage de ma vie si c'est pour y déverser ta merde. Ose encore toucher une parcelle de mon corps comme tu l'as fait sans m'aimer et j'te prends face contre terre jusqu'à ce que tu crèves. Pigé ?

Rudy lécha sa lèvre inférieure qui s'était remise à saigner, l'air amusé de la situation.
Yunes le lâcha et s'en alla, peu désireux d'observer une seconde de plus ce visage de démon.
Le couloir était devenu silencieux, tout le monde restait calme, dans une vague de stupéfaction.

17h13 ~ Sortie du lycée

Yunes franchit enfin la barrière blanche de l'établissement et souffla un coup. Il avait une boule dans la gorge, cette journée avait été cauchemardesque.
Près des bus jaunes, il aperçut Andrew et Alice, en train de rigoler avec leurs amis. Andrew avait un coquard à l'œil gauche et semblait avoir le visage entaillé et abîmé.

HEY, RUDYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant