Musique ~ Persephone
LXXXVII
Yunes sentit le vent passer dans ses cheveux et caresser sa peau. Rudy se tenait toujours droit devant lui, le bras abaissé, son arme pointée entre ses deux yeux bleus, impassible. Le blond s'était tout imaginé, mais pas cette scène. Leurs regards étaient accrochés l'un à l'autre, Rudy avait dégainé son plus ardent regard noir, plein de dédain et surtout dénué de toute considération. Yunes savait maintenant que jamais personne ne l'avait regardé d'aussi haut. Il baissa la tête et étira un petit sourire. Quelle ironie. Quelques heures auparavant il aurait pu affirmer avec certitude que jamais Rudy n'aurait été capable de le tuer, mais là... ses convictions était parties en fumée avec les billets. Il posa un pied à terre et se releva doucement. Rudy ne sembla pas surpris et n'abaissa pas son arme, toujours pointée sur son visage d'ange.
Yunes se tenait maintenant face à lui, les cheveux brassés lentement par la brise. Il pouvait voir le coucher du soleil derrière Rudy, qui illuminait sa silhouette et dessinait les contours de son visage et de ses cheveux noirs.— Pourquoi m'avoir attiré ici ? Demanda calmement Yunes.
— T'es monté ici tout seul, personne t'as forcé.
Le blond étira un petit sourire.
— Je sais que j'ai pas l'âme d'un détective mais tu pourras pas me prendre pour un débile de A à Z. T'as changé tous les codes de l'immeuble avec zéro quatre zéro neuf. C'était la date de la rentrée, le premier jour où on s'est rencontré.
Ce fut au tour de Rudy de sourire. Bien joué. Pensa t-il. Il baissa son arme.
— Et qu'est ce que ça change ?
Yunes en avait plus qu'assez, ils le poussaient tous à bout. Un claquement sec retentit dans l'air frais. Il venait de donner une claque à Rudy avec toute la force dont il était capable, espérant lui avoir fait mal.
— Tais toi. Tu peux te la jouer insensible avec qui tu veux, mais pas avec moi.
Rudy releva la tête vers lui, lentement.
— Tu devrais partir.
— Si tu veux plus qu'on soit ensemble dis le, ça sera plus simple.
Rudy le fixa un instant, perdu.
— Pourquoi est ce je voudrai ça ?
Yunes sembla interloqué, ne comprenant pas où il voulait en venir. Une bourrasque de vent passa entre eux, installant un silence.
— Je vois... tu pensais vraiment que j'allais redescendre avec toi ? Demanda le brun.
Yunes fixa un instant ses yeux noirs qui s'étaient adoucis, non, même bien plus que ça, ils semblaient maintenant abriter un mélange de félicité et d'une profonde tristesse.
Ils restèrent plantés là, sur le toit du monde, à se regarder durant de longues minutes. Parce qu'il y a des discours trop durs à prononcer.
Yunes pouvait voir que le ciel prenait une teinte rose, tirant sur le rouge, rasant les nuages.— Dans une autre vie tu aurais certainement été un ange Yunes. Affirma le brun en souriant, d'un sourire sincère, presque attendrissant.
— Et toi un démon c'est ça ? Lui répondit Yunes avec une pointe d'ironie, souriant à son tour. Lui aussi aurait été un ange de toute évidence... Pensa t-il.
Rudy haussa les épaules et afficha une mine hésitante.
— Peut être... Tu penses que ça existe les anges aux cheveux noirs toi ? Demanda t-il toujours le sourire aux lèvres, laissant entrevoir ses fossettes si rarement visibles.
Yunes l'observa se retourner et s'avancer vers le soleil. Des anges aux cheveux noirs ? Yunes ne savait pas, avec le soleil face à lui en cet instant, il avait bien plus l'air d'un Dieu.
Il l'observa de longues minutes, face à l'astre solaire, tel un fils d'apollon, sur le rebord du toit, profitant de ces dernier rayons pourpres.— Je pense que ça existe oui. Répondit finalement Yunes d'une voix calme, maintenant certain qu'il allait lui reprendre la main.
Il savait que Rudy était en train de sourire.
— Tant mieux alors... Affirma le brun d'une voix douce.
Une détonation irradia alors le haut des buildings. L'indexe droit de Rudy venait d'appuyer fermement sur la gâchette. Il n'avait pas tremblé. Yunes sentit son cœur rater un battement. Il courut jusqu'au bord du toit, manquant de chuter. Le corps de Rudy venait de tomber, et il traversait déjà les nuages. Yunes se recula brusquement du bord, haletant, effrayé par ce qu'il venait de voir. Sa respiration ne voulait pas reprendre, il tomba assit à la renverse, il avait l'impression d'asphyxier. Ses yeux rivés sur le soleil ne voyaient plus rien d'autre que cette scène en boucle ; la silhouette du brun vacillant au bord du gouffre, la tête emportée vers la gauche avec la puissance de la balle.
Yunes se roula en boule et boucha ses oreilles, la tête par terre, les yeux fermés et le souffle court. Il ne voulait pas, non il ne voulait pas, il n'avait pas voulu ça, jamais, il ne voulait pas entendre le bruit de son corps s'écraser en bas. Quatre cent mètres, quelle hauteur vertigineuse, Yunes avait l'impression que tout l'immeuble tanguait, sa tête tournait, il n'arrivait plus à respirer correctement, les sanglots mirent du temps à venir. C'était un cauchemar, rien d'autre qu'un cauchemar, un rêve, un mauvais rêve. Il ferma les yeux fort, pour être sûr de ne plus voir le désastre autour de lui, un vrai carnage. Il hurla pour couvrir le bruit des ventilateurs sur le toit et de la ville en dessous. Sa tête était posée sur le sol bétonné. Il devait être arrivé en bas maintenant... il pleura de plus belle rien qu'à cette idée, la notion du temps avait disparue. C'était un mauvais rêve oui... sans aucun doute...
Il resta crispé et replié sur lui même durant de longues minutes, prit de spasmes et d'une évidente crise d'angoisse qu'il ne parvenait pas à maîtriser.Un autre hélicoptère fit alors irruption, et celui-ci se posa sur le toit sans hésitation. Yunes fut prit de panique et se releva brusquement. Mais il fut bien vite plaqué au sol par deux hommes qui l'immobilisèrent avant de lui passer les menottes. Il le traînèrent à l'intérieur du bâtiment et l'hélicoptère redécolla. Yunes pouvait juste sentir que sa lèvre était ouverte et pissait le sang. Ça n'est qu'une fois dans l'ascenseur pour redescendre qu'il prit réellement conscience de ce qu'il venait de se passer. Ses yeux restaient ouverts, fixant le vide. Les deux hommes derrière lui le tenaient fermement par les bras, certainement conscients que ses jambes ne le portaient plus vraiment. Ils n'avaient pas l'air bien méchants... Peut importe...
La redescende fut longue, très longue... Le ding de l'ascenseur résonna comme le glas de la mort aux oreilles de Yunes, alors qu'il s'ouvrait sur l'immense hall d'entrée blanc.
Il se trouva alors face à un sol maculé de sang, ou du moins de traces de pas de personnes qui avaient piétiné dans du sang...
Les policiers derrière lui le laissèrent avancer doucement. Il y avait un corps au milieu du hall, étendu comme le Christ sur le marbre blanc, criblé de balles, dans une marre écarlate.— Vous le connaissez ?
Cette voix semblait si lointaine pour Yunes... comme si l'agent derrière lui lui parlait depuis une autre galaxie.
— Andrew Soto... Articula Yunes, la voix vidée de toute émotion.
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HEY, RUDY
Romance« Rudy c'est comme un orage, ça prévient pas, c'est derrière le brouillard, et le jour où ça pête à la gueule de tout le monde, on est bien emmerdé. » C'était ce qu'on disait. Yunes est dans sa dix-huitième année, lorsqu'il le rencontre : Rudy. Comm...