« Chapitre 9 : Coquillettes. »

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- Ah, je le savais!

   La voix d'Olivia, venant de nulle part, me surprend tellement que j'ai presque le réflexe de fermer l'écran de mon ordinateur d'un coup. 

- Tu m'as fait peur, toi!

   Assise en vieux jogging à mon bureau, j'hésite à fermer l'onglet de mon navigateur web sur lequel est affiché en grand la page Wikipedia de Michael Gray, mais décide finalement de la laisser ouverte : c'est déjà trop tard. A côté de moi, Olivia s'accroupit pour pouvoir lire ce qui est affiché à l'écran.

- Je le savais, répète-t-elle sur un ton beaucoup trop enjoué à mon goût. Et dire que tu l'as vu en vrai - deux fois! Et qu'il connait ton prénom... Qu'est-ce que tu cherchais? Son signe astrologique, pour voir si vous êtes compatibles?

- Très drôle, je marmonne en essayant de faire comme si de rien n'était. Il est Balance, ascendant Capricorne. Je voulais juste voir... 

- S'il est célibataire? A quel point il est riche? 

- Hi-la-rant. Je voulais juste voir les trucs de base, genre en quelle année il a commencé à travailler pour l'entreprise.C'est interdit? Tu es la première, Olivia, la première à stalker tous tes collègues sur Instagram. 

- Il y a une différence entre liker les photos de pâtisseries de Karen sur Instagram et chercher son chef sur Wikipedia. Attends, dit-elle en appuyant sur la flèche du haut sur mon clavier, monte voir un peu, je crois qu'il y a une photo de monsieur Gray que je n'ai pas vue... Ohlala, regarde moi ça... Linn, tu ne peux pas objectivement dire que ce gars n'est pas excessivement bien foutu. 

   Je suis tentée de mentir, mais n'étant qu'une piètre comédienne, je me contente de hausser les épaules.

- Il est vrai que... ya un truc, oui. Pas mon style, mais ya un truc. Bon, maintenant que ça, c'est fait - (Je ferme l'ordinateur.) - il faut que j'y aille. Je sais pas si tu as remarqué, mais le frigo est relativement vide et...

- D'accord, d'accord. Va faire les courses. Oh, tu pourras prendre des corn flakes light là, la sous-marque de Tesco? Celle où la boite est bleue claire? Je te rembourse après, bien sûr. C'est 1,95£ je crois. Si c'est en promo, tu peux en prendre deux, mais je crois que l'offre s'arrêtait hier. Peut-être qu'ils en ont encore? Enfin bref, tu me diras.

- D'accord, je réponds en enfilant mon anorak avant de mettre mes bottes de pluie. Si jamais il te faut quelque chose d'autre, envoie moi un message.

- Merci, bichette.

   Même si la supérette ne se trouve qu'à deux pâtes de maison de l'appartement, j'emmène un grand parapluie avec moi au cas où. En marchant, je regrette de ne pas avoir mis de chaussettes hautes dans les bottes car elles me frottent à chaque pas au niveau de la cheville, juste en dessous de l'ourlet de mon pantalon, ce qui promet d'ores et déjà de devenir une belle ampoule. Fantastique.

   Une fois arrivée à Tesco, j'attrape un panier à roulettes et commence à me balader dans les rayons. C'est un petit magasin dont les prix sont malheureusement inversement proportionnels à la taille. 

   N'ayant pas envie de dépenser toutes mes économies dans de la nourriture, je me dirige en premier lieu vers le rayon des aliments à date de péremption proche. Manque de bol, je ne suis pas la première à avoir fait ça aujourd'hui et le rayon frais des promotions est déjà quasi vide : à part quelques yaourts à la noix de coco pour Olivia périmant aujourd'hui, je n'y prends rien. Au rayon épicerie, je trouve néanmoins un lot de trois paquets de coquillettes à un prix imbattable, ainsi qu'un paquet de riz d'un kilo d'une sous-marque inconnue.

   En passant devant le rayon des fruits et légumes, je m'arrête pour y prendre des tomates - les grandes déformées, alias les moins chères, puis vais au rayon corn flakes et mets les deux paquets pour Olivia à l'intérieur. Pour finir, je passe de nouveau dans chacun des rayons, à la recherche d'une promotion qui m'aurait échappée, ce qui me permet d'ajouter des conserves de petit poids, de maïs et de raviolis dans mon panier. 

   Après avoir payé à la caisse - 21,98£ -, je répartis tous mes achats dans deux sacs cabas - les deux à l'effigie de supermarchés du coin, puis me mets sur le chemin du retour. En sortant, je me félicite d'avoir pris un parapluie avec moi, même si j'ai sûrement l'air très ridicule, à essayer de garder le parapluie droit au-dessus de ma tête tout en tenant un des cabas de la main. Heureusement, le calvaire ne dure que cinq minutes et je me retrouve vite fait bien fait dans l'entrée de l'immeuble. Je monte les marches me séparant du second étage puis pose mes sacs au sol pour pouvoir sortir mes clefs de ma veste. Au moment où je m'apprête à mettre la clé dans la serrure, la porte s'ouvre en grand.

- J'ai trouvé tes corn flakes, Olivia, dis-je en me penchant pour rentrer mes achats.

   Mais quand je me redresse, je vois que ce n'est pas Olivia qui a ouvert la porte.

   Devant moi se tiennent trois hommes en uniforme, sur lesquels est inscrit en grand POLICE.

- Linn Pritchard? me demande celui qui se trouve à l'avant et je hoche la tête. Je suis le sergent Moss, j'aurais quelques questions à vous poser. Entrez, s'il vous plaît. Madame Mason, dit-il en se retournant, si vous auriez la gentillesse de nous laisser un moment avec la jeune fille ici présente...

- Vous vous prenez pour qui? s'exclame Olivia. Vous ne pouvez pas juste rentrer comme ça chez nous, me jeter dehors et interroger Linn comme ça! Elle a le droit à un avocat, j'ai 

- Madame Mason, je vous assure que tout est en parfait ordre. Nous avons un document ici, signé par un juge, nous autorisant à interroger miss Pritchard dans le cadre d'une enquête...

   Un avocat? Une enquête? Bon Dieu, mais qu'est-ce qu'il se passe? Qu'est-ce que j'ai fait? Je n'ai rien fait, ou bien? J'ai eu une amende la dernière fois, parce que je roulais un peu plus vite que la limite autorisée. Mais je l'ai déjà payée, et c'était juste une fois! Pourquoi la police débarquerait comme ça, est-ce que...

- Est-ce que quelqu'un est mort? je demande.

   En un instant, tous les regards se tournent vers moi.

- Pourquoi, miss? Vous avez quelque chose à confesser?

- Quoi? Non, bien sûr que non! Je pensais juste que... c'est pas comme ça que ça se passe, si quelqu'un de ma famille était mort dans des circonstances obscures ou je sais pas quoi?

- Non, on n'est pas là pour ça, explique-t-il sur un ton un peu moins ferme. Mes collègues et moi, on a juste quelques questions à vous poser. Vous avez commencé à travailler pour la Shelby Company Limited il y a peu, n'est-ce pas?

Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant