« Chapitre 47 : Pas de thé »

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   La semaine suivante, l'univers a décidé que je la passerai malade et seule chez moi. Pour limiter tout risque de contagion pendant sa semaine d'examens, Olivia a préféré aller dormir sur le canapé d'une amie pendant ces quelques jours. Tout ça à cause de moi, qui attrape une angine du jour au lendemain alors que je n'ai même pas mis le nez dehors, et justement quand il commence enfin à faire assez chaud dehors pour pouvoir sortir sans veste. Pauvre Olivia. J'espère qu'elle arrivera quand-même à dormir sur ce canapé, parce que si elle loupe ses examens à cause de moi parce qu'elle s'endormira sur sa copie...

   Mais Olivia n'est pas la seule à faire les frais de ma quarantaine : une fois de plus, c'est Isiah qui doit me passer tous les cours que je loupe. 

   Le vendredi, lorsque je commence finalement à me sentir assez bien pour ne plus devoir passer mes journées à alterner entre des siestes et des marathons Netflix, je reçois un message de Michael me demandant si je suis assez en forme pour dimanche et si ça me va qu'il vienne me chercher à neuf heures ce jour là.

   Sur le coup, je ne comprends pas. Et même en passant bien cinq minutes à chercher dans chaque recoin de mon cerveau un truc qui aurait lieu dimanche et que j'aurais oublié, je ne trouve pas.

   Je lui envoie donc deux points d'interrogations.

   Il me répond presque immédiatement.

   «Le mariage de Linda et Arthur»

   Oh mon Dieu. Mais oui, le mariage! J'avais complètement oublié la date, je savais que c'était début mai, mais... Attends, je n'ai jamais eu de date - je me souviens que Linda m'avait verbalement conviée à la cérémonie, mais je suis quasiment certaine de n'avoir jamais reçu de faire-part ou quelque chose du style.

   «Je savais pas que c'était dimanche!!!!!!!!!!!!! Estce que je suis au moins invitée au moins??»

   «Oui. Je viens à 9h?»

   «D'accord, mais il faut mettre quoi comme vêtements est-ce qu'il y a un dress-code comme pour Esme et John?»

   «Pas de dress code. Mets une robe et ça ira.»

   Aha. Une robe, donc. Ça m'aide beaucoup. Je n'ai pas de robe ici. Et le mariage est dans deux jours. Parfait, parfait. 

   Je décide donc de faire ce qu'il me reste à faire : je m'habille, enfile ma veste et fourre un demi-kilo de paquets de mouchoirs dans mes poches tout en consultant l'application des transports sur mon portable pour voir quand passe le prochain bus allant au centre commercial. Dans quatre minutes. Dans vingt-quatre le prochain. Que faire, courir jusqu'à l'arrêt en priant ou attendre? 

   J'attrape mon tote-bag, vérifie si j'ai des billets dans mon porte-monnaie - non, je n'en ai pas, mais c'est pas grave j'ai la carte, puis ferme la porte à clé et essaye de ne pas mourir lorsque le dévale les escaliers. Quand je suis à l'extérieur, je vois le bus attendre au feu rouge au coin, ce qui me laisse tranquillement le temps de rejoindre l'arrêt. Parfait, parfait.

   Huit arrêts plus loin, je suis devant le centre commercial. Lorsque je rentre à l'intérieur, j'ai l'impression qu'il fait au moins trente cinq degrés et enlève ma veste tout en essayant de faire mentalement le plan des magasins qui pourraient avoir ce que je cherche.

   Je commence par H&M, dont les grandes affiches SOLDES en rouge dans les vitrines me parlent tout particulièrement. Je fais un tour dans les rayons et prends deux robes de la nouvelle collection qui n'est bien évidemment pas soldée et me dirige vers les cabines pour les essayer. 

   La première que j'essaye est bleu pâle et très fluide. Les bretelles se croisent dans le dos et je dois m'y prendre à trois fois avant de réussir à l'enfiler correctement. 

   Ça va, elle est pas mal. Un peu grande, mais je crois que ça peut le faire.

   Mon plus grand problème restant que je ne sais pas si c'est le genre de choses qui se portent à un mariage de Shelby, je sors mon portable et me prends en photo dans le miroir avant de l'envoyer à Michael en lui posant la question. Il ne reste plus qu'à espérer qu'il réponde rapidement et... ah, bah voilà. 

   «Oui, ça conviendra.»

   Voilà, tant mieux.

   C'est un peu ridicule, mais j'attends encore quelques secondes, le regard rivé sur l'écran, dans l'espoir de voir apparaître un «ça te va très bien», un «tu es magnifique avec ça» ou pourquoi pas même un «Linn Pritchard, tu es la plus belle chose que je n'ai jamais vu de toute ma vie et cette robe ne fait que souligner ton charme et ton élégance naturelle», mais rien n'arrive. D'accord.

   Tout en essayant de me remettre de ce coup dur, je me change et enfile la deuxième robe. Elle est dans les tons bordeaux, d'une matière très légère qui fait en sorte que la couleur ne fasse pas trop hiver. Je la préfère tout de suite à la première, déjà rien que pour le fait qu'elle gratte beaucoup moins.

   J'envoie à nouveau une photo à Michael.

   «Elle est bien aussi.»

   Je lui demande ensuite laquelle il préfère. 

   «Les deux sont bien, mais la bleue.»

   Aha. Dire que je n'ai pas hésité une seconde en restant sur ma préférence initiale pour la bordeaux juste parce que Michael a dit qu'il trouvait la bleue mieux serait mentir, mais c'est finalement bien la bordeaux que je suis allée payer à la caisse. 

* * *

   Une fois rentrée chez moi, j'ai posé mon achat du jour sur mon lit et ai profité de cet élan de vitalité apporté par ma petite sortie pour aérer l'appartement et faire un peu de ménage. Mais je n'ai pas eu le temps d'avancer beaucoup :  alors que j'étais en train de fermer le sachet de la poubelle de la salle de bains, la sonnette a retenti.

   Avant d'aller ouvrir la porte, je passe en revue les personnes que ça pourrait être : Olivia voulant rentrer de son séjour en quarantaine et ayant oublié ses clés, Isiah venant déposer les cours d'aujourd'hui, ou encore Michael pour...

- Linn, dit Thomas Shelby au moment où j'ouvre la porte. Tu as du thé?

   ... ou bien Thomas Shelby venant me demander si j'ai du thé, pourquoi pas.

   Il s'invite tout seul dans l'appartement et va s'asseoir sur ma chaise de bureau. Je sens tout de suite qu'il y a un problème quelque part, il a l'air beaucoup plus réactif que d'habitude, comme s'il était complètement stressé.

- Euh... oui, installez-vous, pas de souci...

   Je reste debout, les bras croisés un peu bêtement pendant un moment.

- Pas de thé? demande-t-il.

- Il se passe quoi là, au juste?

- Pas de thé. Tu viens au mariage, dimanche? 

- Oui, je viens au mariage dimanche. Pourquoi? 

- Parfait. (Il se lève et se dirige vers la porte.) Merci pour le thé.

   Et avant que je n'ai le temps de comprendre quoi que ce soit, il descend la poignée et referme la porte derrière lui. J'entends ses pas dans le couloir, puis descendre les escaliers.

   Mais qu'est-ce que... D'accord. 

   Je ne sais pas ce qui me perturbe le plus : ce qui vient de se passer ou le fait que je n'ai même pas l'impression que ça me perturbe plus que ça. 

   D'accord, Thomas Shelby. A dimanche, je suppose.

Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant