« Chapitre 22 : Don't fuck with the Peaky Blinders »

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   Lorsque mon réveil a sonné le matin suivant, j'avoue que j'ai été tentée de ne finalement pas aller au travail, comme monsieur Gray l'avait proposé. Mais dans ce cas, j'aurais dû fournir une quelconque excuse bidon à Olivia, qui est actuellement en train de se laver les cheveux dans la salle de bain - lui faire croire que je suis malade, ou bien... faire comme si je me préparais aussi pour aller au travail mais pour ultimement ne pas y aller? 

   Autant y aller tout cours, alors.

   Je me lève et vais piocher des vêtements propres dans mon armoire - même si je n'avais que mis le pantalon d'hier qu'une fois, il est hors de question que je renfile ce machin avant qu'il n'ait été lavée à la température de l'enfer. J'opte pour un autre jean noir, que j'aime un peu moins et un sous-pull bordeau qui est ce qu'il me reste de propre et le moins éloigné du dress-code implicite des locaux de Shelby Company Limited. Ensuite, j'attrappe un élastique complètement détendu qui pendouillait à un stylo planté dans mon pot à crayons et dois l'enrouler pas moins de six fois autour de mes cheveux pour que ces derniers soient accrochés en une sorte de queue de cheval basse qui ait l'air à peu près potable, le mot clé étant à peu près.

   Un peu plus tard, dans le bus, j'essaye de ne pas penser à ce qui s'est passé hier, mais cela ne m'y fait bien évidemment penser encore plus. J'essaye de contempler le paysage, les immeubles en briques de Small Heath - en vain. J'ai toujours encore l'image de Solomons tenant son arme d'une façon tellement nette à l'esprit que j'ai l'impression qu'elle est imprimée sur mes rétines.

   Quand j'arrive à Shelby Company Limited de longues minutes plus tard, je dépose rapidement mes affaires à ma partie de bureau et me dirige ensuite directement vers l'étage. Autant le faire tout de suite, comme ça... Je sais pas, peut-être que ça fermera définitivement toute cette parenthèse surréelle et désagréable. On peut toujours espérer.

   Lorsque j'arrive devant le bureau de monsieur Gray, je toque deux coups, mais pas de réponse. Rien du tout. J'essaye alors d'ouvrir la porte, mais cette dernière est fermée à clé.

   Bon. Tout ça pour ça. 

   C'est pas grave. Je redescends et vais m'installer devant mon ordinateur, tout en essayant d'écouter d'un air plus ou moins attentif la discussion entre deux collègues assises à l'autre bout de la pièce. Cela me déconcentre du tableau Excel que j'ai sous les yeux, mais cela m'empêche aussi de penser à...

   Non, ça ne m'en empêche pas du tout, en fait. C'est terriblement ridicule - même pour moi, mais je n'arrive pas à m'empêcher de me sentir déçue que monsieur Gray n'ait pas été là ce matin. Je sais même pas pourquoi je pense ça. C'est pas comme si l'entrapercevoir pendant une demi-minute allait illuminer ma journée, ou quoi, c'est juste que... je sais pas, il était pas obligé de me ramener hier soir ou de s'inquiéter de mon bien-être ce matin, mais il l'a quand-même...

   Oula, mais qu'est-ce que je suis en train de m'imaginer, là? Les chiffres de mon tableau Excel sont en train de me narguer. 145, 168, 238... Bien sûr qu'il était obligé, il avait tout intérêt à s'assurer que je ne raconte rien à personne. 

   Wow, Linn... il faut que j'arrête de penser que je suis le centre du monde comme ça.

   Je prends une grande inspiration suivie d'une gorgée d'eau et me redresse sur ma chaise. Allez, j'ai déjà perdu assez de temps comme ça, il faut que j'arrête de me faire des films : ce sont les chiffres qui m'attendent, pas monsieur Gray...

  Mais au moment même où je commence à transférer des nombres d'un tableau à l'autre, je sens comme une sorte de canne s'enfoncer dans le haut de mon dos. Qu'est-ce que...

Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant