« Chapitre 46 : 95 »

1.8K 110 7
                                    

   Il n'est pas tombé dans les pommes. 

   Il n'est pas resté bien longtemps ce soir, mais quand je me suis réveillée le lendemain matin, j'avais l'impression d'avoir dormi environ quarante-cinq minutes et non sept heures. Et de ce fait, j'avais le sentiment d'avoir fêté mes 95 ans et non mes 20 aujourd'hui.

   Contrairement à ce que j'avais prévu, je n'ai pas vraiment avancé dans le ménage avant que mes parents ne débarquent. Pas tant parce que je n'avais pas la motivation, mais plutôt car ils sont arrivés avec plus d'une demi-heure d'avance, me forçant à aller les accueillir en jogging sur le seuil de la porte.

- Tu aurais pu t'habiller un peu mieux! me reproche ma mère sur un ton faussement exagéré après m'avoir serré dans ses bras. J'ai exprès mis cette belle robe pour l'occasion, alors que toi, ma fille, on dirait que tu vas sortir les poubelles!

-J'allais me changer, justement! Mais si vous vous pointez toujours beaucoup trop tôt à chaque fois...

- On pensait qu'il y aurait des bouchons, répond-elle en entrant dans la pièce et en l'examinant rapidement du regard. Tu utilises quoi pour les fenêtres? Pas les lingettes Monsieur Propre qu'on a à la maison, vu les traces que ça laisse...

   Et nous voilà partis pour pas moins de deux heures de conversation autour du ménage, de la vie et des amis. Etant donné qu'il n'y a que deux chaises, j'ai rapproché mon bureau de mon lit, de façon à pouvoir m'asseoir dessus et à pouvoir posé les tasses de thé que j'ai préparées pour l'occasion. Je me suis changée entre temps - j'ai mis un pull et ma seule jupe - non pas que ça soit très confortable, mais comme mes parents l'ont répété aujourd'hui, c'est jour de fête!

   Ils me racontent un peu comment ça se passe au travail, comment monsieur Solomons est d'excellente humeur ces dernières semaines, comment les voisins d'au-dessus ont déménagé et que les nouveaux font beaucoup moins de bruit, pour le grand bonheur de tout l'immeuble... Et ils me demandent comment va la vie de mon côté. Je leur explique que je m'en sors relativement bien en cours grâce à des amis, que je me suis trouvée une petite boite en métal dans laquelle je stocke les bons d'achats Tesco que je découpe dans les tracts publicitaires, qu'il se pourrait que j'ai un copain qui passera possiblement cet après-midi...

- Comment il s'appelle de nouveau, celui-là? demande mon père après s'être resservi une tasse de thé. C'était ce Isiah?

- Mais non! répond ma mère à ma place. Isiah, c'est celui de la fac, ou bien? (J'hoche la tête.) Oui, tu vois, c'est ce Michael, non? 

- C'est ça, oui.

- Aha, soupire mon père. Michael, donc. Et il fait quoi dans la vie? Il est dans ta fac, aussi?

   Et nous voilà partis sur ce bout de conversation qui me stressait un peu à l'avance. Comment leur dire le truc? «Il y a des chances que vous l'ayez déjà vu à la télé, avec les Shelby» ?

- Non, il est pas à la fac. Il travaille. Chez Shelby Company Limited. C'est de là qu'on se connait. 

- Aha. Et il fait quoi?

- Euh... c'est un genre de chef, il s'occupe de l'administratif, ce genre de choses.

   Ce n'est pas mentir. En vrai, je ne sais même pas exactement quel est l'intitulé de son poste de toute façon. Quelque chose avec «comptable» dedans, je crois.

- Aha. Ça paye bien, au moins? 

   Ma mère lui jette un regard désapprobateur avant de se tourner vers moi, l'air quand-même plus qu'intéressée par ma réponse. 

Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant