« Chapitre 51 : Fantastique »

1.7K 124 11
                                    

   Ça y est, je suis morte.

   Adieu.

   Je me vois de l'extérieur : Kimber appuyant sur la détente, une balle me transperçant le front, du sang dégoulinant sur mon visage, mon corps sans vie s'écroulant au sol, écrasant bébé Charlie au passage.

   Et tout à coup, je respire.

   Je suis encore debout. J'ai Charlie dans les bras. Ce Kimber pointe toujours encore son arme contre moi et appuie sur la détente, mais rien ne se passe. Il s'énerve. Ré-appuie sur la détente.

- Putain de...

   Je ne suis pas morte.

   Un «pan» retentit. C'est Polly qui a tiré.

   Il est mort. Il s'écroule sur le sol, les yeux ouverts. Il y a du sang. Je crois que j'en ai sur le visage. J'en ai sur le visage.

   Je crois que je vais tomber dans les pommes. Ou mourir.

   J'entends un deuxième «pan», mais ça me paraît très, très loin.

   C'est John qui a tué un des deux autres collègues de Kimber. Ses yeux à lui aussi sont ouverts.

- Viens par ici, Charlie, j'entends la voix de John dire. Linn?

   Je sens que je n'ai plus Charlie dans les bras. Ensuite, je sens que je ne sens plus rien du tout. Il fait noir. 

* * *

   Lorsque j'ouvre les yeux, il fait clair. Beaucoup trop clair. J'ai l'impression d'avoir atterri dans une pub pour de la lessive.

- Linn? 

   Je suis allongée sur un lit - ou sur un énorme tas de linge fraîchement nettoyé s'il s'avère que je suis effectivement dans une publicité. Non, je crois que c'est ni l'un, ni l'autre en fait. Je suis toujours encore dans la cour d'Arrow House.

- Tu m'as fait peur! s'exclame une voix que je reconnais être celle de Polly. 

   Je me redresse un peu et la vois accroupie près de moi, à côté de John qui fait pareil en tenant Charlie dans les bras. 

   Et là, tout me revient.

   Je tourne la tête et il y a deux cadavres, à moins de cinq mètres de là. Il y a du sang de partout. J'ai des éclaboussures de sang sur les mains. J'ai envie de crier. Je me redresse un peu trop rapidement et j'ai la tête qui tourne.

- Ça va aller, dit John. C'est fini, maintenant.

- Qu'est-ce qui est fini? je demande en n'articulant que très vaguement tant ma bouche est pâteuse.

- Billy Kimber est mort, mission terminée.

- John, l'interrompt Polly, je crois pas que ça soit le meilleur moment pour lui expliquer...

   C'est à mon tour de lui couper la parole.

- Oh, si. Si, si, si. Expliquez-moi la vie. Expliquez-moi pour quelle noble cause je viens de mourir hypothétiquement.

   Ils semblent hésiter pendant un moment, puis c'est John qui se jette à l'eau.

- Bon, c'est un peu compliqué, mais... Tu sais, cette histoire d'attaque de Solomons qui voulaient s'en prendre à Charlie? Et bien pour faire court, c'était pas exactement juste ça le truc, le truc c'était plutôt que... (Il soupire.) En gros, le vrai but de ce plan, c'était que ce con de Kimber meurt. Et il est mort, donc c'est une victoire.

- Où est le rapport avec bébé Charlie?

- Solomons a fait croire à Kimber qu'il s'était allié avec lui et que maintenant, ils devaient nous attaquer, les Peaky Blinders, et quoi de mieux pour cela que de s'en prendre aux femmes et aux enfants, n'est-ce pas. Sauf que Solomons était de notre côté tout le long.

   J'ai du mal à tout comprendre, mais je crois que je vois l'idée. 

- Cool. Mais cela ne me dit pas pourquoi j'ai du baby-sitter ce petit loustic toute la journée, ni... (J'ai failli ajouter «ni pourquoi ma mère se cachait dans la cave», mais je crois qu'il vaut mieux que je me taise avant d'en savoir plus.) Oui, pourquoi moi et Charlie?

- Solomons t'a vendue à Kimber comme une pauvre fille Solomons qui se serait entichée de l'ennemi, explique Polly. L'idée était probablement que les hommes de Kimber te laissent tranquille pour ne pas se mettre les Solomons à dos, et que de ce fait Charlie soit le plus en sécurité avec toi. Mais de toute évidence, Kimber n'a strictement rien dans la tête.

   Elle soupire en jetant un furtif coup d'œil vers le cadavre que j'essaye d'ignorer depuis avant. J'ai envie de vomir. 

- En théorie, ajoute John sur un ton un peu plus léger, il a quelque chose dans le crâne maintenant. Une balle. Ce qui est plus que ce qu'il n'avait jamais eu entre les deux oreilles.

   Fantastique. 

- Où sont tous les autres? je demande en essayant tant bien que mal de me tenir debout. J'ai entendu des explosions dans le manoir et...

- Doucement, dit Polly en m'aidant à ne pas perdre l'équilibre en me soutenant par le bras. Ne t'inquiète pas pour les autres, ce n'étaient que des pétards pour faire diversion.

- Aha. Et tout le monde sauf moi était au courant, je suppose?

   C'est un peu ridicule, mais cette pensée m'énerve presque autant que le fait que ce Kimber qui a failli me tuer. 

- Michael ne savait pas non plus, répond John. Si on lui avait dit qu'il allait y avoir une action comme ça aujourd'hui, il t'aurait probablement mis dans le premier avion à destination de la Nouvelle-Zélande pour que tu sois le plus loin possible de tout ça. 

- Il aurait du. Comme ça je ne serais pas morte quand ce Kimber m'a tiré dessus.

   Mon cerveau ne sait pas comment traiter cette information. Kimber avait envie que je meure, il a appuyé sur la détente dans le but que je meure. Impossible qu'il ait juste voulu me blesser quand il a visé ma tête. Et si son pistolet n'avait pas déconné, je serais effectivement...

- Oh non, Linn, soupire Polly avec une expression désolée sur le visage, les pistolets de Kimber et de ses hommes étaient trafiqués. Désolée, on aurait du commencer par te parler de ça. Tu ne risquais rien. 

   Ah. 

- Ah. Ouf. Euh... wow, je sais pas quoi dire, je... Si. Si vous comptiez tous sur ce détail pour ne pas avoir à me payer les je sais pas combien de séances de thérapie dont j'aurais besoin afin que je me remette de tout ça - parce que là ça va encore à peu près, mais je sens que je vais clairement partir dans les choux après, et bien...

- Linn!

   Je me retourne tellement rapidement que Polly doit me retenir un peu pour ne pas que m'écroule à nouveau au sol. 

   C'est Michael. Il court vers moi. J'ai envie de courir aussi. 

   Lorsqu'il est assez proche pour que je puisse distinguer les contours de son visage, j'ai de nouveau envie de pleurer et je sens mes yeux se mettre à brûler. 

- Elle va bien, a le temps de dire sa mère avant que Michael ne m'enveloppe dans ses bras.

Je ferme les yeux afin qu'il n'existe plus rien d'autre en ce bas monde que lui.

Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant