Monsieur Gray a proposé de me raccompagner chez moi ce soir-là et j'ai tout de suite accepté. Maintenant que je suis assise dans le siège passager de sa voiture, je ne peux m'empêcher de penser qu'il avait peut-être juste proposé ça par politesse, sans penser que je dirais vraiment lui.
Pas de chance pour lui, je suis là.
J'avoue que je m'attendais à une voiture plus grande, mais c'est quand-même la voiture la plus chère dans laquelle j'ai jamais dû me trouver de toute ma vie. Les bras resserrés autour de mon tote-bag, j'essaye de m'amuser à deviner la fonction de tous les boutons et voyants qui ornent le tableau de bord pour me donner de la consistance. Et surtout, pour éviter de penser à ce qu'il vient de se passer dans les bureaux de Shelby Company Limited.
Monsieur Gray ne dit pas un seul mot pendant la quinzaine de minutes de trajet et honnêtement, je l'en remercie mentalement pour ça.
Une fois que l'on arrive dans ma rue, je lui fais signe de se garer pas trop loin de mon immeuble. Avant qu'il se gare, je m'étais déjà préparée à ouvrir la portière le plus rapidement possible de façon à ce qu'il n'ait pas à perdre plus de temps sur mon cas, mais suis interrompue dans mon élan lorsque je l'entends couper le moteur.
- Mademoiselle Pritchard, je tenais encore, au nom de Shelby Company Limited et à titre personnel, bien évidemment, à m'excuser pour les événements dont vous avez été témoin - une fois de plus.
- Qu'est-ce qu'il va se passer, avec monsieur Solomons? Il... merde, mon père est son chauffeur! Je savais qu'il était un peu à l'ouest, mais de là à...
- Je ne pense pas que vous avez du souci à vous faire pour votre famille. Solomons a toujours été un peu spécial, mais ça m'étonnerait qu'il se comporte comme ça avec son personnel. Ce qui s'est passé avant, c'était... hors du commun, même pour lui.
J'hoche la tête, sans trop savoir quoi dire à cela.
- Il n'aurait pas tiré, ajoute-t-il après un moment. Ce n'est pas censé vous réconforter ou quoi, c'est juste que...
- Je vois ce que vous voulez dire. (Je ferme les boutons de mon manteau d'une main, tout en remettant une mèche de cheveux qui m'était tombée devant les yeux derrière l'oreille.) Merci de m'avoir déposée, en tout cas. Je ne vais pas vous déranger plus longtemps.
- Avant que vous ne partiez, mademoiselle Pritchard, une dernière chose...
- Bien sûr, je ne dirai rien de ce qu'il s'est passé à quiconque, je l'interromps. De toute façon, même si je voulais tout raconter - ce qui n'est absolument pas le cas, ça m'étonnerait que quelqu'un me croie. Mais je ne dirai quand-même rien. Promis juré.
- Ce n'était pas... exactement où je venais en venir, commence-t-il d'une façon qui me fait penser, je ne sais pas trop pourquoi, à quelqu'un marchant sur un lac gelé dont la glace serait très, très fine. Mais... (Tout à coup, il se redresse un peu dans son siège et passe une main sur le bas du volant.) Merci, mademoiselle Pritchard. Vous n'êtes bien évidemment pas tenue à venir travailler demain matin, cela ne sera bien évidemment pas déduit de votre paye.
- Oh non, je viendrai. Tant que monsieur Solomons n'est pas dans les parages...
- Il ne le sera pas. Je vous le garantis.
Il a prononcé le tout sur un ton calme, mais la tension dans sa mâchoire et son regard fixé sur un point invisible devant lui feraient comprendre à quiconque que si Solomons débarquait là, à cet instant, il n'hésiterait pas une seconde à lui redonner quelques coups comme il l'avait fait précédemment avec l'agrafeuse.
- Bon, sur ces belles paroles, dis-je en tendant la main pour ouvrir la portière, merci pour le trajet et... oulà, ça s'ouvre comment ce truc?
- Non, là, c'est le machin pour ouvrir la vitre, explique monsieur Gray en se demandant probablement sur quelle cruche il a bien pu tomber. Non, c'est à droite - attendez, je vais le faire.
Il se penche par-dessus moi et, d'une main, réussit à ouvrir la portière.
- Ah, ce truc-là... (Je pousse la portière pour l'ouvrir en grand.) Encore une fois, merci.
- Pas de quoi. (Je me lève pour sortir, mais une fois à l'extérieur, il m'interpelle avant que je ne puisse refermer la portière derrière moi.) Mademoiselle Pritchard? Si vous venez demain matin - mais comme dit, aucune obligation, mais si jamais vous venez, passez à mon bureau, d'accord? Juste pour que je puisse m'assurer que vous soyez en état de travailler.
- Oui, oui, bien-sûr, euh... à quelle heure ça vous arrangerait?
- Peu importe, juste... venez.
- D'accord, ça marche. A demain, dans ce cas.
- A demain.
Je referme la porte, puis regarde la voiture démarrer et disparaître dans les rues de Birmingham. Ensuite, je sors mes clefs de la poche de mon manteau et ouvre la porte de l'immeuble, qui grince affreusement à mon passage.
Une fois que j'ai escaladé toutes les marches me séparant du deuxième étage, je vois une silhouette se tenir sur le pallier de mon appartement.
- Olivia? je demande lorsque je passe à côté d'elle pour rentrer chez nous. Tu m'as fais peur! Qu'est-ce que tu fais là?
- Ne me mens pas, Linn, énonce-t-elle d'un ton très solennel en fermant la porte de l'appartement derrière nous, c'était qui, dans la voiture?
Tout ça pour une entrée discrète.
- J'ai travaillé trop tard, le prochain bus ne passait que dans une heure (ce qui est vrai, en plus), et... quelqu'un a proposé de me ramener.
- Quelqu'un? insiste-t-elle en s'asseyant sur le bord de son lit tandis que j'accroche mon manteau sur un cintre dans mon armoire. Tu connais beaucoup de quelqu'un qui roulent avec des voitures comme ça dans notre quartier pourri?
- Olivia, juste... pose ta question, qu'on en finisse.
- Ma question? Mais j'ai déjà posé des questions. Ou bien tu t'attendais à une question plus directive, du type «Hm, Linn, mais dis-moi, ça ne serait pas untel qui t'a ramené à la maison?», parce que c'est effectivement untel?
Je m'assieds à mon tour sur le bord de mon lit et commence à défaire les lacets de mes chaussures. Bon, je n'ai pas spécialement envie d'avoir une conversation comme ça maintenant - j'ai juste envie de dormir, dormir et dormir - mais devant l'air enchanté d'Olivia, je prends sur moi et décide de rentrer dans son jeu.
- Peut-être que c'était untel, dis-je finalement d'une voix qui se veut un peu mystérieuse. Mais ça dépend qui est untel pour toi.
- Oh mon Dieu, c'était lui, alors! Oh. mon. Dieu!
- On parle de qui, au juste? je demande alors que je connais très bien la réponse.
- Hm, je sais pas - les gens que tu cherches sur Wikipedia? Oh mon Dieu, Linn, c'est trop cool! Faire un tour en voiture avec Michael Gray - c'était quelque chose qui était sur la liste de mes choses à faire avant de mourir même si je le savais pas encore! Il faut que tu me racontes tout. En détail.
- Il n'y a rien à dire, vraiment - il m'a ramené, personne n'a dit un seul mot pendant tout le trajet, quand je voulais descendre j'ai mis cinq ans à comprendre comment ouvrir la portière et c'est lui qui a dût le faire au final... Crois-moi, c'est la première et la dernière fois que j'étais dans cette voiture.
- Hm, se contente de dire Olivia qui n'a pas l'air de vouloir insister sur le sujet plus que ça. C'est ce qu'on verra.
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Michael Gray » Peaky Blinders AU
FanfictionBirmingham, 2019. Depuis plus d'un siècle, la famille Shelby est reine de Birmingham, à la tête d'un empire d'import-export aux quatres coins du monde. Rien ne semble pouvoir les arrêter. Mais cela ne plait pas à tout le monde... Linn, 19 ans, revie...