« Chapitre 75 : Etape sept »

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   Leur plan est complètement tordu.

   Je crois que leur plan peut fonctionner.

   Je suis toujours encore assise dans la cuisine chez mes parents, sauf que Michael est arrivé entre temps. Et si déjà moi j'ai du mal à comprendre ce qui est en train de se passer, lui paraît complètement paniqué par la situation. Ou plutôt, il se tient immobile, adossé contre le rebord de la fenêtre et écoute ma mère tout réexpliquer pour la troisième fois de suite sans jamais l'interrompre. Ce qui pour lui veut probablement dire qu'il est en train de paniquer.

   J'ai envie qu'il dise quelque chose - qu'il maudisse Tommy, Solomons, Changretta, la Terre entière - qu'il me maudisse moi, pour ce que j'en ai à faire -, mais il n'en fait rien.

- Plus que vingt-sept minutes, annonce ma mère en jetant un coup d'œil à la montre suspendue au mur. Linn, tu ferais mieux d'aller préparer tes affaires. J'ai posé ton ancien sac de cours sur ton lit - je l'avais passé à la machine l'autre jour, j'ai bien fait. Tous tes vêtements ne sont pas ici, mais...

   Je me lève et sors de la cuisine avant qu'elle n'ait le temps de terminer sa phrase. Lorsque j'arrive dans ma chambre, je me laisse tomber à plat ventre sur mon lit. Mon Dieu, mais quel bordel. L'instant d'après, j'entends des pas dans le couloir. Michael se tient dans l'encadrement de la porte.

   Je me redresse et n'ai qu'une envie : qu'il me dise que tout va bien se passer. Mais il n'en fait rien et se contente de fixer un point imaginaire à travers la fenêtre.

   Dans un silence plus que pesant, je commence à transférer certains de mes vêtements que je juge appropriés pour un séjour à durée illimitée à la campagne et les range dans mon sac. J'ai beau comprendre qu'il est indispensable que de voyager léger - une valise attirerait trop l'attention, je suis petit à petit beaucoup trop énervée par ce sac qui se remplit beaucoup trop vite et par ce jean qui ne veut pas rentrer dedans et par cette tirette qui ne veut pas se fermer et - merde, je n'ai même pas pensé à emmener ma trousse de toilette - pourquoi je n'ai pas pensé à ça? Ça ne rentrera jamais dedans, il faudra que je la mette dans un tote-bag ou que...

   Mon Dieu, c'est quoi cette tirette qui ne se ferme pas? J'ai beau tirer dessus, ça ne...

   Et pouf, j'ai le bout de la tirette en main. J'ai tout cassé. Je viens de casser un sac Eastpack à 60£. Ce n'est pas censé casser, les sacs Eastpack, je croyais que c'était garanti à vie! Pourquoi il a cassé?

- Linn.

   L'instant d'après, Michael est assis à côté de moi sur le bord du lit. 

- A ton avis, si on a encore le ticket de caisse, c'est possible de se faire rembourser pour ça? Ou genre de se le faire échanger contre un nouveau? Bon, il faudrait déjà qu'on ait le ticket pour ça, mais...

   Je laisse ma phrase en suspens, me rendant compte d'à quel point je suis en train de partir dans les choux. Ce sac Eastpack cassé est le dernier de nos problèmes. Si seulement c'était le seul problème. 

   Tout doucement, Michael me prend la tirette des mains - je ne m'étais même pas rendue compte que je la tenais encore - et la pose sur le lit, tout en poussant par la même occasion le sac sur le côté.

- C'est pas grave, dit-il finalement en insistant sur chaque mot. Oublie le sac. On s'en fiche, je te passerai des vêtements. (Il marque une pause, puis reprend avec l'ombre d'un sourire sur les lèvres.) Ne fais pas comme si l'idée de passer les... je ne sais pas combien de prochaines semaines dans mes t-shirts ne te faisait pas plaisir.

   Je ne peux pas m'empêcher de sourire à mon tour.

- Je crois que je vais pouvoir m'y faire.

Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant