« Chapitre 79 : 179 »

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   C'est le jour où je commence à me dire que tout se passe beaucoup trop bien que tout part dans tous les sens.

   Cela fait trois semaines et six jours que nous logeons chez Rosemary. Trois semaines et six jours que la vendetta a officiellement commencé. 

   A l'image de ces derniers jours, Rosemary est déjà partie travailler lorsque je descends prendre mon petit déjeuner dans la cuisine et la porte du bureau fermée indique que Michael ne doit pas être en train de chômer non plus.

   Et de l'autre côté il y a moi, qui traîne encore en pyjama à dix heures passées.

   Tout en attendant que le grille-pain termine de transformer mon pain de mie en toast, je parcours la collection de confiture de notre hôtesse, à la recherche d'une variante que je n'aurais pas encore testée jusqu'à présent. 

   Mais je n'ai pas le temps de choisir entre rhubarbe et cerise que j'entends... des coups, contre la porte d'entrée, comme si quelqu'un toquait? Non, ça ne vient pas du couloir, plutôt de...

   Mais qu'est-ce que...

   Je fais un pas en arrière et manque presque de faire tomber toutes les confitures par terre. Le bruit ne vient pas de la porte. Il vient de la fenêtre. Quelqu'un est en train de toquer contre la vitre de la fenêtre.

   C'est une femme que je n'ai jamais vue, qui doit avoir cinq ou six ans de plus que moi. Même à travers la vitre, je distingue son rouge à lèvre pourpre s'étirer en un sourire. Un sourire qui ne me dit rien qui vaille.

   Avant que je n'ai le temps de réfléchir à s'il vaut mieux que je crie au secours ou que je parte en courant à l'étage rejoindre Michael, la femme a disparu. C'est encore pire, j'ai l'impression d'avoir perdu de vue une énorme araignée qui réapparaîtra forcément quelque part.

   L'instant d'après, ça toque à la porte. Ça, Michael l'a visiblement entendu, car je l'entends descendre l'escalier en courant presque. Lorsqu'il passe devant la cuisine, il me jette un regard interrogateur.

- Il y a une femme dans le jardin?

   C'est la seule chose que je réussis à dire. Je ne sais pas pourquoi ça sonne comme une question. Je rejoins Michael dans le couloir et le vois sortir un pistolet de littéralement nulle part. Cette façon que ces gens ont de toujours se trimbaler avec des armes sans même que ça ne se voie, je ne m'y ferais probablement jamais.

- Elle est très belle, madame ton épouse, se fait soudain entendre la voix de la femme à l'extérieur. Pas forcément mon style, mais si jamais ça ne devrait plus fonctionner entre vous, tu pourras dire à Tommy de lui faire parvenir mon numéro?

  A la façon dont Michael range son pistolet et lève les yeux au ciel, je devine que ce n'est pas la première fois qu'il a à faire à cette femme. C'est à mon tour de l'interroger du regard, mais il se contente de secouer la tête en ouvrant la porte.

   Après son rouge à lèvres, la deuxième chose que je remarque chez cette jeune dame sont ses boucles d'oreilles, qui brillent tellement qu'on dirait qu'elles sont faites de diamants bruts. Et vu le reste de sa tenue - une sorte de robe bleue foncée et des escarpins noirs vertigineux -, cela ne m'étonnerait même pas que ce soit le cas. Elle ne s'est toujours pas défait de son sourire.

- Tatiana Petronova, se présente-t-elle en me présentant une main gantée - oui, gantée - tout en ignorant Michael.

   J'hésite une seconde, mais je lui serre finalement la main. Du coin de l'oeil, je vois Michael sortir une cigarette et l'allumer.

- Et tu es... continue ladite Tatiana Petronova en me dévisageant.

- ... très surprise de voir des gens se balader dans le jardin de bon matin, dis-je d'une voix un peu moins assurée que prévu.

Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant