« Chapitre 29 : Doutes »

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   Il m'a proposé de le retrouver à la bibliothèque de l'université.

   Je ne sais pas si c'est ça qui est le plus bizarre ou le fait que ce soit dimanche. Quoi qu'il en soit, j'ai accepté.

   Je ne sais pas exactement ce qu'il a à me dire, ni ce que j'ai à lui dire. Avec du recul, la scène d'hier soir me paraît complètement irréelle. Et gênante. Oh mon Dieu, tellement gênante. En passant la moitié de la nuit à la rejouer en boucle et en boucle, j'ai mentalement pu faire la liste des choses que j'ai mal dites et que j'aurais probablement dû formuler autrement, et des choses que je n'aurais peut-être pas dû dire du tout. Oui, le mieux aurait probablement été que je ne dise rien du tout, mais... pour une raison ou pour une autre, cette option ne me paraît pas optimale non plus. Qu'est-ce que j'aurais fait, alors?

   Je l'aurais invité, il m'aurait calmement raconté pourquoi il ne m'a pas contactée le mois dernier - ça, ou il m'aurait expliqué que finalement il n'est pas intéressé plus que ça par ma personne maintenant que toute l'histoire avec les Shelby est plus ou moins résolue et que je ne le reverrai probablement jamais, mais qu'il me souhaite bien évidemment tout le bonheur du monde.

   C'est justement ça, le problème. J'ai peut-être brisé mes chances de «et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants» avec lui, mais au moins, je sais où j'en suis.

   Je saurais où j'en suis. Parce qu'à l'heure actuelle, je ne sais toujours pas. Mais j'espère que je le saurais d'ici quelques minutes.

   Les bus ne roulant qu'à des horaires très approximatives le week-end, je n'ai même pas tenté ma chance et préféré marcher directement. La météo est censée être bonne, mais j'ai quand-même emmené un grand parapluie au cas-où, que je trimballe avec un air qui doit un peu faire penser à Gandalf du Seigneur des Anneaux avec son bâton de magicien. Il a un peu neigé hier soir et il fait si calme sur les routes que j'ai l'impression que le splitch splatch de mes bottes dans la neige à moitié fondue s'entend à des kilomètres.

   Je le vois avant qu'il ne me voie. Par-dessus son costume habituel, il porte un grand manteau, ainsi que le chapeau traditionnel des Peaky Blinders, qui se retrouve aujourd'hui imprimé sur un tas de produits dérivés.

   Autrefois, quand les Blinders n'étaient qu'un gang de Birmingham parmi tant d'autres, ils fixaient des lames de rasoirs au niveau de la visière et s'en servaient souvent pour défigurer leurs ennemis. Cette méthode a été tellement reprise par la culture populaire qu'une fois, en 1994 si je me souviens bien, le port de ce type de chapeau a été interdit pendant près d'un moins à Birmingham pour éviter les dérives. L'interdiction aurait probablement toujours été de rigueur aujourd'hui si Shelby Company Limited n'avait pas graissé les bonnes mains aux bons moments.

   Encore aujourd'hui, l'on entend souvent dans les faits divers des cas d'agressions dites à la Peaky Blinders, même si les Shelby disent ne plus rien à voir avec tout ça. Il y a quelques mois de cela, j'aurais pu les croire, mais maintenant? C'est une autre histoire.

   Quoi qu'il en soit, je n'aperçois pas de ligne métallisée dans le chapeau de Michael Gray lorsqu'il l'enlève avant de me tenir la porte et de me faire signe d'entrer dans le bâtiment.

- C'était ouvert par hasard ou vous aviez les clés? je le demande en enlevant mon écharpe et en le voyant justement fermer la porte à clé derrière nous. Oh, bien sûr. Est-ce qu'il y a la moindre porte à Birmingham dont vous n'auriez pas la clé?

- Dans d'autres circonstances, j'aurais pu dire «la clé de votre cœur, Linn», ou quelque chose dans le registre, mais je pense que si là, maintenant, j'avais dit quelque chose comme ça, je me serais pris ce parapluie dans la figure.

Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant