« Chapitre 77 : Milkshake »

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   Quand je me réveille les matins, je n'ai plus ces quelques secondes de confusion durant lesquelles je me demande si je suis à Birmingham, chez Michael ou chez mes parents. On est chez Rosemary Johnson et pour l'instant, tout va bien. 

   Pas de nouvelles de la part de Tommy et les autres - ou en tout cas, rien qui nécessite de 1) me contacter directement ou 2) que Michael m'en fasse part. Car je sais pertinemment qu'il sait des choses qu'il ne me dit pas à propos de la vendetta. Et je ne suis pas aussi naïve au point de ne pas savoir qu'il sait que je sais qu'il ne me dit pas tout.

   Mais ce n'est pas grave. Je mentirais si je disais que cela ne me plaisait pas un peu que de vivre coupée du monde comme ça. Loin de l'agitation du clan Shelby, du clan Solomons...

   Lorsque je descends en ce beau dimanche matin - c'est faux, il pleut et il fait gris -, je découvre Rosemary dans la cuisine, en train de faire passer une substance bleue dans le mixer.

- Oh bonjour, Linn! s'exclame-t-elle en arrêtant le mixer et en prenant une cuillère en bois pour remuer son contenu. Tu es debout tôt, dis-moi? Moi aussi, la pluie m'a empêchée de dormir. (Elle désigne le mixer d'un mouvement de tête.) J'essaye de faire des milkshakes aux myrtilles. Tu veux goûter?

   Elle sort deux tasse d'un placard - puis une troisième - et les remplit à moitié de milkshake. Vu la substance pâteuse du truc, je crois qu'il y a plus de myrtilles que de lait, mais je ne vais certainement pas m'en plaindre.

- Michael dort encore? continue-t-elle en posant les trois tasses sur la table avant de prendre place. C'est marrant, il était toujours le premier levé dans le temps. A tel point qu'à force, on a tous fini par devenir des lève-tôt. Installe-toi, Linn, il pourra manger plus tard. (Je m'exécute et prends un bol qu'elle me tend.) Alors, j'ai vu dans ta chambre qu'il y avait une pile d'Astérix posés par terre, tu aimes lire? Ça me fait plaisir de voir quelqu'un lire un peu dans cette maison - maintenant que Samuel et Henry - Michael ne sont plus là, les seuls livres qui sont encore ouverts, c'est les livres de cuisine j'ai l'impression. Il faudrait que j'aille renouveler mon abonnement à la bibliothèque... mais pour ça, il faudrait déjà que je retrouve la carte.

- Il y a une bibliothèque dans le village? je demande en sirotant une gorgée de ma boisson.

   Au début, j'étais un peu effrayée par Rosemary Johnson. Déjà, parce que j'ai rarement vu quelqu'un capable de dire autant de choses différentes en si peu de temps. Ensuite, parce que... et bien, elle sait que ma famille est plus ou moins indirectement impliquée dans les affaires des Shelby et que... et bien, tout ça est très compliqué. 

   Au début, j'avais peur qu'elle ne m'apprécie pas. Mais je crois qu'elle aussi, elle avait peur que je ne l'apprécie pas - et qu'elle ait donc des points en moins auprès de son fils, je suppose.

- Oui, oui! Sur la route principale. Pas très grande, mais elle est parfaite. On y allait souvent, avec les garçons.

   J'essaye de m'imaginer un petit Michael/Henry de 8 ans, assis par terre devant une pile de livres dans une bibliothèque, en train de lire...

- Qu'est-ce qu'il lisait, quand il était petit? 

   J'ai pris pour habitude d'éviter de parler un maximum du passé de Michael. Mais parfois... Parfois, ça m'attriste un peu que de ne pas savoir ce genre de petits détails sur lui.

   Rosemary me regarde en silence pendant un petit moment et je me demande si j'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas. Mais finalement, ses yeux s'illuminent un peu et son sourire s'étire, comme si elle avait attendu toute sa vie que quelqu'un lui demande ce que lisait son fils quand il était petit.

Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant