« Chapitre 25 : Bonne nuit »

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   Le trajet de Londres à Birmingham de 2 heures et 30 minutes m'a paru plus court que le précédent de 7 minutes jusqu'à l'hôpital pour la simple et bonne raison que j'ai dormi pendant presque l'intégralité du trajet. 

   Lorsque j'ouvre les yeux, il fait nuit dehors. Comme je m'étais assoupie de façon très élégante avec le menton sur l'épaule, mon cou se fait entendre quand je redresse la tête.

- On est arrivés, mademoiselle Pritchard. 

   La voiture est garée exactement au même endroit qu'hier soir devant mon immeuble.

- Merci. Encore une fois, je... 

   D'une main, il ouvre la boîte à gants et en sorte une carte de visite qu'il me tend.

- Au moindre truc, vous m'appelez, peu importe l'heure. Ou mieux, vous appelez directement les urgences. Et dites à votre colocataire de faire attention à vous, d'accord?  

   J'hoche la tête - ce qui me fait plus mal qu'autre chose, puis un détail de taille me vient à l'esprit.

- Mon sac. Il est encore au bureau, avec mon portable et... toute ma vie, littéralement.

   Avant que je n'ai le temps de dire que j'irai le récupérer demain matin, monsieur Gray a redémarré la voiture et nous voilà repartis. Bon, pourquoi pas, cela me permet d'émerger de mon petit somme. 

   Quelques minutes plus tard, nous arrivons devant les bâtiments de Shelby Company Limited. Il sort de la voiture sans couper le moteur et disparaît à l'intérieur, puis réapparaît moins d'une minute plus tard.

- Wow, c'était rapide, je commente quand il me passe mon tote-bag.

- Il était accroché dans l'entrée, quelqu'un a dû le mettre là. Tout est dedans?

- Je crois, dis-je en ouvrant mon porte-monnaie pour vérifier que tout est à l'intérieur. Oui, ça m'a l'air bon. 

   Et sur ces belles paroles, nous voilà repartis en sens inverse. Une fois devant chez moi, il s'excuse encore une fois, je le remercie de nouveau.

   Quand je sors de la voiture, la vague de froid qui m'enveloppe soudainement me motive à rejoindre l'intérieur de l'immeuble au plus vite.

   Tandis que je monte les marches de l'escaliers, je jette un regard à mon portable pour voir si j'ai eu des messages. Je n'en ai eu qu'un d'Isiah me demandant si j'allais bien comme je n'étais pas en cours aujourd'hui. Qu'est-ce que je suis censée répondre? Je ne sais pas à quel point Isiah est dans la confidence par rapport aux affaires des Peaky Blinders... Dans le doute, je lui réponds que oui, je vais bien et que je suis désolée de ne pas avoir donné de nouvelles plus tôt.

   L'appartement est désert quand j'arrive. Sur mon bureau est posé un post-it sur lequel Olivia a écrit qu'elle sortait avec des amis ce soir et qu'elle promet de ne pas faire de bruit quand elle rentre, avec un smiley souriant. 

   Je pose mes affaires sur mon lit et vais immédiatement sous la douche. Mes plaies ont beau être propres, cela ne m'empêche pas d'avoir encore des traces de sang séchées le long du cou. Glamour. Et sous les ongles. De mieux en mieux.

   Une fois que je suis propre, j'enfile un vieux sweat vert et un jogging gris qui doit être encore plus ancien et m'en vais faire la chose qui me semble la plus censée : je m'emmitoufle sous ma couette et éteins la lumière. 

   Adieu, cette journée a assez durée.

   Mais alors que je sens déjà les bras de Morphée m'emporter vers une autre dimension spatio-temporelle, le vibreur de mon portable me fait revenir à la réalité. 

   Je pèse le pour et le contre pendant un moment et décide au bout d'une réflexion beaucoup trop poussée de me lever pour aller le chercher. On ne sait jamais, ça peut être Olivia ayant oublié ses clés et s'étant retrouvée enfermée en dehors de l'immeuble ou...

   Non, ce n'est pas Olivia. C'est un numéro inconnu.

   J'espère que vous allez bien. M. Gray.

   Pourquoi est-ce que... oh non, j'étais censée donner des nouvelles pour de vrai? Bien sûr que j'aurais aimé penser qu'il se préoccupait réellement de mon bien-être et pas juste de l'image de Shelby Company Limited, mais j'avoue que la partie rationnelle de mon cerveau n'y croyait pas trop.

   Oui, désolée de pas avoir donné de nouvelles avant, je réponds, sans savoir spécialement à quand «avant» fait référence. Puis, comme il a signé son message, j'envoie un deuxième message, L. Pritchard à la suite, mais... Non, pourquoi j'ai fait ça? Sérieusement? C'est ridicule, ça fait genre coupé en deux messages et...

   Je m'excuse, je ne voulais pas vous déranger. Bonne nuit.

   Non, vous ne me dérangez pas est la première chose qui me vient à l'esprit et ce que j'ai envie de répondre. A la place, j'écris J'espère ne pas avoir trop sali la voiture.

   Oh mon Dieu, mais pourquoi je fais ça? La première option aurait été encore la meilleure! Bon, mais au moins... et bien, ça vient du cœur, j'espère vraiment ne pas avoir mis du sang partout ou... bavé pendant que je dormais, pour ce que j'en sais! Super, de mieux en mieux.

   La réponse suivante se fait attendre un peu plus longtemps.

   Vous avez un drôle de sens des priorités. 

   Là, c'est moi qui mets du temps à trouver une réponse socialement acceptable à cela. Je mets trop de temps visiblement, car un deuxième message arrive :

   Si cela ne vous dérange pas, pourriez-vous m'envoyer un message demain matin pour que je sache que vous allez bien? Bonne nuit.

   Et puis encore un message, arrivant presque en même temps :

   Si je vous embête, vous pouvez m'envoyer un emoji doigt d'honneur à la place demain. Je comprendrai le message.

   Oh mon Dieu, c'est... wow, je ne peux pas m'empêcher de sourire dans le noir. C'est... 

   Oula, je crois que je commence à avoir un problème. La partie rationnelle de mon cerveau a beau essayer de me dire qu'il fait tout ça uniquement pour que je ne finisse pas par aller porter plainte contre je ne sais quoi - contre beaucoup de choses en fait, la partie irrationnelle de mon cerveau.... et bien, je crois qu'elle part un peu dans les choux. Et s'il faisait tout ça pas juste par sens du devoir, mais parce que... je sais pas, parce qu'il me trouve cool? Un peu, au moins?

   Comme si, Linn. Comme si. Il a une page Wikipedia à son nom, me souffle la partie rationnelle de mon cerveau à l'oreille comme si ça expliquait tout.

   Je soupire et me laisse tomber en arrière contre mon oreiller. 

   Pas de souci, je réponds finalement. Bonne nuit.

   

Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant