« Chapitre 67 : Lloyd »

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   Il m'aura fallu une semaine avant de pouvoir lui dire quoi que ce soit.

   Une semaine passée à remettre en question tous mes choix de vie et à me demander comment je pensais concrètement que ça allait se passer. Qu'on allait se marier avec Michael, qu'on allait avoir beaucoup d'enfants, tout ça sans que je ne mentionne une seule fois le nom d'Harrison? 

   Pour quelqu'un qui trouve que parfois Michael a l'air d'avoir du mal à gérer son passé, je... Mon Dieu, je suis la pire des hypocrites qui n'ait jamais foulé le sol britannique. La pire

   La. Pire.

   J'ai mis un temps beaucoup trop conséquent à essayer de trouver la meilleure façon de raconter tout ça à Michael. Je n'ai pas trouvé la façon idéale, seulement une qui m'avait l'air moins pire que les autres.

   Bien sûr, il y avait aussi l'option «ne rien dire du tout», mais... Non, ce n'est pas une possibilité envisageable. Connaissant Michael, tant qu'il n'aura pas eu le fin mot de l'histoire, il va passer la moitié de son temps à imaginer un best of des pires scénarios possibles et imaginables, et je n'ai pas envie qu'il fasse ça. La vérité est déjà assez pathétique comme ça, pas besoin qu'il se la représente encore plus.

   Du lundi au vendredi, Michael m'a appelé deux fois par jour - une fois pendant ma pause de midi et une fois le soir, pour voir comment j'allais. Je lui ai dit que j'allais bien. 

   Au travail, Charlotte est venue me demander si ça n'allait plus avec lui - vu la tête que je devais tirer la plupart du temps, c'est une question plus que légitime J'ai essayé de la rassurer en lui disant que Michael n'était pas le seul à avoir des prédispositions à se retrouver dans des situations merdiques, mais cela n'a pas semblé la convaincre outre mesure. 

- Linn, si c'est Michael qui joue au con... commence Charlotte au moment où je ferme la porte de la supérette à clé le vendredi soir, je te jure que...

- Tu es genre la créature la plus pure de toute cette Terre, tu sais ça? dis-je un peu rapidement en faisant tomber les clés dans mon tote-bag.

- Merci - (Elle jette ses cheveux vers l'arrière.) mais je suis sérieuse.

- Moi aussi. 

   Elle lève les yeux au ciel, mais un sourire se dessine désormais sur son visage. Pendant un moment, on reste plantées un peu bêtement comme ça, jusqu'à ce qu'un taxi vienne se garer juste devant nous au bord du trottoir.

   Charlotte se dirige vers la voiture.

- A lundi, puce! me dit-elle en ouvrant la portière arrière.

- A lundi.

   Au moment où elle referme la portière, la vitre teintée à l'avant du côté passager se baisse et...

   Harrison est à l'intérieur.

   Pas mon Harrison. L'autre. Harrison Changretta, du pub.

   Et Charlotte qui monte dans un taxi avec lui, je...

   Avant que je n'ai le temps de réagir, Harrison Changretta me fixe en souriant - un sourire qui doit plus convenir à un cadavre qu'à un humain - et pose son index en travers de ses lèvres, comme pour dire chut.

   Oh mon Dieu.

   L'instant d'après, la vitre est remontée et le taxi s'enfonce dans la circulation londonnienne. 

* * *

- Tu es vraiment, vraiment sûr qu'elle ne risque rien?

   Assise sur le rebord de la fenêtre de la cuisine, j'essaye d'arrêter d'écailler mon vernis transparent en mettant les mains dans la poche de mon sweat. Cela doit être la soixantième fois que je repose cette question à Michael, et pour la soixantième fois, il secoue la tête.

Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant