« Chapitre 84 : Central Park »

1.7K 101 27
                                    

   John Shelby n'est pas miraculeusement revenu à la vie ce jour-là. Ni celui d'après, ni la semaine suivante.

   Je n'ai pas revu Esme depuis. Selon les dires de Johnny Dogs, elle est partie avec son fils rejoindre les Lee Dieu sait où. Une partie de moi est soulagée de ne pas avoir à lui parler après ce que j'ai fait à son mari, et une partie de moi se déteste de penser comme ça.

   Je n'ai pas reparlé à Olivia depuis. Je suis sortie de l'hôpital un peu avant elle et je voulais aller lui rendre visite, mais Ada m'a gentiment fait comprendre qu'Olivia ne souhaitait pas revoir un Shelby ou un Gray de sitôt et que je suis inclue dans cette dernière catégorie.

   Et comment lui en vouloir? Si elle n'avait pas été ma colocataire, ni elle, ni son petit Joshua ne se seraient retrouvés au beau milieu d'une vendetta.  A nouveau, je suis partiellement attristée d'avoir perdu une amie, mais d'un autre côté, je ne peux m'empêcher d'être contente de ne pas avoir à l'affronter. 

   Je n'ai pas envie d'affronter qui que se soit. J'ai juste envie de me cacher jusqu'à la fin de mes jours. 

   Lorsque je suis sortie de l'hôpital, je suis restée pendant quelques jours chez Michael à Arrow House. D'une part, pour pouvoir mettre le plus de distance possible entre moi et Londres, ce maudit entrepôt et ce parking en graviers qui me hantera jusqu'à la fin des temps. Et d'autre part parce que c'est ce que Michael a proposé et que j'étais beaucoup trop à côté de la plaque pour pouvoir réfléchir.

   Et je le suis encore - à côté de la plaque, je veux dire. Mais pas autant que les premiers jours, quand la docteur m'avait prescrit un nombre incalculable d'anxiolytiques et que c'est à peine si j'arrivais à marcher droit. 

   Je suis encore dans les choux, mais au moins maintenant j'arrive à marcher droit.

   Je ne sais pas comment j'aurais fait sans Michael. Les premiers jours de retour à Arrow House, je les ai passés accrochée plus ou moins littéralement à Michael du matin jusqu'au soir. Il a écrasé mes médicaments en petits morceaux pour que je puisse les manger avec de la compote parce que je n'arrivais pas à les avaler en gélule, il m'a aidé à me laver les cheveux dans le lavabo de la salle de bains et à démêler mes cheveux complètement emmêlés après mon séjour à l'hôpital.

   Mais surtout, il m'a parlé. Car depuis l'incident, je ne supporte plus le silence. A chaque fois que ce ne sont que moi et mes pensées, je n'entends que le bruit du coup de pistolet avec lequel j'ai tué John et les cris d'Esme. Donc Michael me parle. Il me parle un peu de son enfance, m'explique en long, en large et en travers la façon dont il a une fois tenté de choisir son chiffre préféré mais qu'il ne sait à l'heure d'aujourd'hui toujours pas si c'est le 4 ou le 5 mais qu'il sait que son nombre préféré est le 144 depuis qu'il a neuf ans. Il me parle de son travail - ce qui prend la grande majorité du temps, car il y a vraiment beaucoup à raconter. Il me parle de chiffres, de statistiques, de finance et d'économie à des niveaux tellement poussés que je n'y comprends rien la moitié du temps.

   Mais c'est parfait comme c'est. Ne rien comprendre à ce que raconte Michael, cela me permet de ne pas être en train de penser au fait que je ne comprends pas comment j'ai pu ôter la vie de quelqu'un.

   Les premiers jours, les Shelby nous ont laissés tranquille. Lorsque j'étais finalement de nouveau assez moi-même pour pouvoir ressortir prendre l'air et aller faire un tour aux écuries avec Michael, sa famille a commencé à venir nous rendre visite. Et c'est là que ça c'est corsé. 

   Polly et Ada ont été les premières à venir. D'abord, j'ai eu droit à un discours selon lequel elles étaient on ne peut plus désolées que les Peaky Blinders m'avaient entraînés dans une histoire comme ça - Polly avait particulièrement l'air peinée par la situation. J'ai essayé du mieux que j'ai pu - c'est à dire avec des réponses pour la plupart monosyllabiques - de les rassurer : elles sont déjà en train de pleurer John, pas besoin qu'elles s'enquiquinent à cause d'une Linn en carton en plus.

Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant