« Chapitre 20 : Plus ou moins »

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   J'ai relativement bien réussi à m'intégrer à mon nouveau poste chez Shelby Company Limited. Comme monsieur Gray l'avait prédit, je n'étais pas lâchée dans la nature tout de suite : Lizzie a eu l'énorme plaisir (ou pas) de me suivre pas à pas dans mes combats contre le logiciel Excel. 

   Quand à la fin de cette semaine d'encadrement j'ai finalement commencé à travailler toute seule - à mon propre petit coin de bureau dans l'open space, je m'en suis plutôt convenablement sortie les premiers jours, même si je devais solliciter Lizzie ou une autre collègue dès que j'avais le moindre doute sur la façon de retranscrire une facture dans le tableau. 

   Mais ça allait, je m'en suis sortie. 

   Je n'ai pas reparlé à Esme depuis, mais je l'ai croisée une fois dans le couloir, deux des frères Shelby sur les talons - Arthur et John, si je ne me trompe pas. Je suis quasiment sûre qu'elle m'a vu, mais elle a fait comme si je n'étais pas là. 

   Le lendemain suivant cette presque rencontre, John Shelby m'a fait venir à son bureau - ou en tout cas, je pense que c'est son bureau, même s'il n'est jamais là. Il m'a posé des questions sur Esme. J'ai essayé de répondre le plus honnêtement possible, tout en tentant d'accentuer les bonnes qualités d'Esme. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça... probablement parce qu'elle doit passer un sale quart d'heure en ce moment et que je n'ai aucune idée de ce qui va lui arriver. 

   J'ai essayé d'interroger John Shelby à ce sujet, mais il ne m'a que donné des réponses vagues. Lorsque je lui ai demandé s'ils n'allaient quand-même pas la torturer ou carrément la tuer, il m'a simplement dit que non, mais sur un ton insinuant le fait que cela aurait très bien pu être une possibilité.

   Mon Dieu, mais quel est ce monde.

   Mais comme dit, en dehors de ce petit détail, tout se passe comme sur des roulettes. Certains jours, je reviens le soir après les cours pour grappiller une heure ou deux de salaire en plus. Bon, ce soir, c'est plus en train de devenir du trois ou quatres - je suis arrivée à 15 heures et il est déjà presque 19 heures. La plupart de mes collègues sont déjà partis, même madame Joseph à l'accueil, il ne reste que Lizzie et moi, les nez collés à nos écrans respectifs.

- Tu ne devrais vraiment pas rester aussi longtemps, me dit Lizzie en me posant un gobelet de café en carton sur le bureau. 

- 15£ de l'heure, 12£50 net si l'on enlève les taxes. Crois-moi, ça ne me dérange pas de rester. 

   Lizzie soupire, mais repart s'installer à son bureau.

- Fais plus de pauses, au moins. Tiens, va te dégourdir un peu les jambes - (Elle prend une pile de feuilles posées sur la sortie d'une imprimante.) tu peux aller déposer ça à monsieur Gray, en haut? Il faut qu'il me les signe tous. Et fais un détour par les toilettes avant de revenir - ou juste un détour tout court, je veux pas te revoir avant moins le quart.

   Je me lève et prends les documents qu'elle me tend.

- Ça me dérange vraiment pas de travailler, si je le fais pas aujourd'hui ça sera demain de toute façon et... 

- Linn, tu prends une pause avant que la commission internationale des droits des employés ne vienne m'emmerder à cause de ça. Jusqu'à 45 au minimum, répète-t-elle en me chassant de la main.

   J'ai envie de lui dire qu'elle a fait à peu près autant de pauses aujourd'hui que moi, mais laisse finalement tomber l'affaire et me dirige vers l'escalier. On pourrait dire la même chose à monsieur Gray, aussi - qui est toujours là le matin avant tout le monde et qui part tellement tard que je le soupçonne de dormir sur place à ce stade. 

Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant