« Chapitre 13 : Peaky Blinders. »

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   J'ai tout raconté à Esme après les cours.  Ou plutôt, c'est Isiah qui a tout expliqué et j'étais assise à côté de lui, en intervenant de temps à autres avec un «oui, à un moment j'ai cru que Polly Shelby allait sortir une poupée vaudou à mon effigie de son sac et lui tordre les deux bras en même temps» par ci et un «non, il était vraiment pas aussi grand qu'à la télé Thomas Shelby» par là. 

   C'est Isiah qui est venu me trouver ce matin avant le début du cours pour me dire qu'il avait des trucs à m'expliquer. Bien évidemment, Esme a voulu être de la partie et nous nous sommes donc retrouvés assis tous les trois autour d'une table de pique-nique dans la cour intérieur de l'université.

- Je peux pas en dire trop, explique-t-il finalement, mais il y a eu des informations qui ont fuité ya pas longtemps sur un dossier assez important et du coup tout le monde est à cran, surtout Polly et Tommy. Mais dans tous les cas, faut pas le prendre personnellement, Linn.

- Faut pas le prendre personnellement? Sérieusement? s'indigne Esme. Il y a la putain de police qui débarque chez elle, c'est pas normal, ça!

   Isiah soupire.

- Bon, j'avoue que Polly est allée un peu trop loin. Je sais pas pourquoi elle a fait ça.

- Un peu trop loin, répète Esme en levant les yeux au ciel. Un peu trop loin, pas de souci. Mais sinon... Isiah, ça veut dire que moi aussi, je vais avoir droit à l'interrogatoire vu que je travaille aussi là bas? J'ai pas envie de me faire massacrer comme Linn!

- Je pense pas, répond Isiah après avoir hésité pendant un moment. Tu travailles pas dans le même bâtiment que Linn et même si j'ai pas tout compris, je crois que c'est un truc des locaux originaux qui a fuité. Et en plus, j'en ai pas entendu parler de nouveau depuis hier, donc je pense que l'affaire est close. Je serais au courant si c'était pas le cas.

   Esme hoche la tête, mais n'a pas l'air plus convaincue que cela.

- Donc tu es quoi, toi, demande-t-elle finalement, par rapport à cette entreprise? Ne nous mens pas, tu es plus qu'un genre de stagiaire longue durée...

- C'est une très bonne question, dit-il avec l'esquisse d'un sourire sur le visage. Je suis... disons, l'homme de l'ombre. J'aide à droite à gauche, je fais en sorte que des gentes dames comme Linn ne se fassent pas massacrer par Polly en réunion, ce genre de choses. 

- Oh, passionnant. Et tu fais ça depuis quand?

- Euh... j'étais dans la classe de Finn, au lycée - Finn Shelby, le petit dernier des frères, vous voyez? (On hoche la tête.) Ouais, Tommy voulait que Finn aille dans un lycée public pour - je sais pas, pour faire genre c'est un ami du peuple, ce genre de conneries et ouais, c'est de là que ma carrière de Peaky Blinder a commencé.

- Peaky Blinder, vraiment?

   C'est le nom sous lequel la famille Shelby s'est fait connaître au début, avant que les activités ne soient légales. Un nom de gang, donc, qui, si l'on en croit Wikipedia, inspirait la terreur jusqu'au milieu des années 1950. Maintenant... disons que c'est plus une marque qu'autre chose, avec des t-shirts fans vendus à côté des versions Marvel, et j'avoue que je ne pensais pas que quelqu'un pouvait se dire Peaky Blinder de façon sérieuse.

- Attends, donc nous aussi, on est des Peaky Blinders? demande Esme, qui semble tout à coup avoir oublié sa méfiance vis-à-vis de leur code moral.

- Hm... non, pas vraiment. Suffit pas de juste travailler pour les Shelby pour être un Peaky, maintenant. Il y en aurait beaucoup trop, sinon. Non, pour être un Peaky Blinder, faut que ça soit un Shelby qui te dise un truc du style «Bienvenue chez les Peaky Blinders» ou un truc comme ça. tu sais que tu fais partie du gang.

- Wow, dis-je en soupirant, dur à croire qu'on est en 2019... (Au loin, je vois un flot d'étudiants sortant d'un amphi qui me fait revenir à la réalité concrète.) Bon, c'est pas tout, mais j'ai un devoir d'économie à corriger là encore. On en parle ou pas du prof qui a noté n'importe comment?

   * * *

   Le week-end suivant passe à une vitesse folle. Corriger ce devoir d'économie me prend une bonne partie des journées et le samedi soir, je suis occupée à jouer au chauffeur pour Olivia qui doit se rendre au travail.

   Je n'ai presque pas eu le temps de penser à ma situation au travail et c'est tant mieux. Je ressens déjà de la gêne à l'idée de retourner travailler, même si je sais que quitter cette réunion où je me faisais victimiser sur tous les plans était mon bon droit de citoyenne. A ce stade, j'espère juste que ce qui s'est passé dans le bureau de monsieur Gray reste dans son bureau et que les autres employés n'ont eu vent de rien. Ca, et que je ne recroise plus jamais de mon vivant aucun membre de la famille Shelby.

   Lundi matin, j'arrive avec presque une demi-heure d'avance pour croiser le moins de monde possible. Ce qui a fonctionné, car à part madame Joseph à l'accueil, je n'ai eu à parler avec personne. Une fois à mon poste dans le coffre, je sors un carton et commence à scanner les feuilles.

    Mais je n'ai pas le temps d'en faire passer dix que j'entends des pas s'approcher et un instant plus tard, quelqu'un toquer contre la lourde porte métallique.

- Vous êtes ici tôt.

   Michael Gray se tient dans l'entrée, les mains dans les poches de son pantalon de costume bleu foncé. Contrairement à Thomas Shelby qui, selon mon humble opinion est mieux à la télé qu'en vrai, les photos de la page Wikipedia de Michael Gray ne lui font pas justice.

   Mon Dieu, qu'est-ce que je suis en train de penser, là? Je pars dans les choux!

- Euh... bonjour, monsieur Gray, dis-je en me redressant sur mon petit tabouret pour me donner contenance. Je ne voulais pas prendre du retard, comme je n'étais pas là vendredi.

   Alors là, je ne sais pas d'où me vient cette idée, mais ça me semble être une explication censée. Même si le fait de prendre du retard ou non sur des cartons est vraiment le dernier de mes problèmes. 

   Il hoche la tête, mais n'ajoute rien. Pendant une seconde, je pense qu'il va en rester là, me souhaiter une bonne journée et vaquer à peu importe quelles sont ses occupations à 7 heures et demi du matin.

- Je voulais m'excuser, commence-t-il finalement, à titre personnel et au nom de Shelby Company Limited. Vous... vous êtes retrouvée au milieu de quelque chose qui ne vous concernait pas, et je regrette la façon dont certaines personnes de ma famille vous ont parlé. J'espère que comme nous, vous considérez cette affaire comme close.

   Ce n'était pas une question, bien évidemment.

- Certainement, monsieur. 

- Parfait, mademoiselle Pritchard. Continuez de travailler comme vous le faites ; Lizzie ne me parle de vos capacités d'organisation qu'en bien. Vous êtes en deuxième année de licence d'économie et de gestion à notre université de Small Heath, c'est correct?

- Euh... oui, c'est ça.

- Bien. Je ferais en sorte d'envoyer un mot positif vous concernant au responsable de votre filière, ça vous aidera sûrement pour... je ne dis pas que vous avez besoin de mon aide, mademoiselle, mais...

- Non, je comprends. Rien que votre nom sur un document, ça doit probablement peser autant dans la balance que des bonnes notes.

   Il hoche la tête.

- Ce n'est pas là où je voulais en venir, mais vous m'avez compris. Passez une bonne journée, mademoiselle Pritchard.

Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant