Le retour à la réalité après cette parenthèse hors du temps à Arrow House n'a pas été aussi facile que prévu. Non, j'exagère : le matin pendant les cours, ça allait.
La batterie de mon ordinateur m'a lâchée en début d'heure et j'ai dû passer le reste de l'enseignement assise sur les marches de l'amphi à côté de la seule prise que j'ai trouvée, mais à part ça, tout s'est bien passé. J'ai presque tout compris de ce que le prof racontait - non pas parce que ce dernier soit un pédagogue dans l'âme, mais plutôt grâce à Isiah - donc ça, c'est clairement un point positif.
C'est l'après-midi que tout s'est corsé.
Un lundi sur deux, de 15 heures 30 à 17 h, nous avons une sorte d'unité d'enseignement un peu spéciale où ce ne sont pas des profs, mais des professionnels qui viennent présenter leur travail et leur parcours dans le monde de l'entreprise.
Le planning des intervenants est disponible à l'avance, mais je n'y prête jamais vraiment attention car j'ai l'impression que, contrairement au reste de l'amphi, je suis à chaque fois la seule à ne jamais connaître les gens qui viennent se présenter.
Tous les jours, sauf aujourd'hui.
En entendant par hasard une conversation devant l'amphi, j'apprends que les intervenants d'aujourd'hui ne sont autres que John Shelby et Polly Gray.
Mais oui, bien sûr, tant qu'à faire...
Bon, en soi, ce n'est pas si surprenant que ça : depuis le début de l'année, j'ai déjà vu passer Arthur et Ada Shelby - en tout début de septembre, si je me souviens bien. Mais à l'époque, ils ne connaissaient pas mon nom, donc ça me dérangeait beaucoup moins qu'aujourd'hui.
Tout l'amphi a l'air beaucoup plus motivé à assister à ce cours, tout à coup. Encore une illustration de l'effet Peaky Blinders.
Une fois dans l'amphi, je m'assieds vers le fond, allume mon ordinateur désormais complètement chargé et me tasse un peu sur mon siège pour me cacher derrière l'écran. Je sors mon portable pour demander à Isiah où il est et pourquoi il ne m'a pas prévenu avant, puis ouvre une page vierge de ma version de Word gratuite et commence à noter ce qu'ils racontent.
Au final, je n'ai pas écrit grand-chose de leur présentation, juste un peu à la fin quand Polly Gray a évoqué le statut des femmes de plus de 50 ans dans le monde de l'entreprise. Ce qui n'était pas très joyeux et ne me donne pas envie de vieillir.
Isiah n'a pas répondu à mes messages et n'est pas venu assister au cours. Je lui ai proposé de lui envoyer mes notes, mais étant donné qu'il est un Peaky Blinder lui-même, je doute que ce cours lui aurait appris quelque chose de toute façon.
Une fois que leur présentation est finie, un bon nombre d'étudiants descendent à l'avant pour leur poser encore des questions. Grand bien leur fasse, je crois que je vais m'en passer.
J'avais prévu de travailler à la bibliothèque ce soir, mais finalement j'ai décidé à la dernière minute de déplacer cette séance de révisions à la maison. J'arrive pile à l'heure pour prendre mon bus, et quelques instants plus tard, me voilà déjà devant la porte de l'immeuble. Parfait, plus que quelques mètres me séparent de la douche. Mes vêtements me collent de partout et cette journée a assez duré de toute façon.
En montant les marches, je réponds à un message de Michael, qui me demandait comment s'était passée ma journée. Je lui écris de façon beaucoup trop détaillé l'histoire de la batterie de mon ordinateur qui est morte - oh mon Dieu, mais on s'en fiche! et passe ensuite cinq ans à réfléchir à «est-ce qu'il est mieux d'omettre le passage de sa mère à l'université ou pas». D'un côté, je ne veux pas qu'il s'inquiète - non pas que j'ai la prétention de penser qu'il se ferait du souci pour moi, mais je me doute bien qu'il a d'autres chats à fouetter que ça, mais de l'autre côté, si jamais il apprend par la suite que Polly était à la fac et que je ne lui ai pas dit, il pensera peut-être que...
- Salut, Linn.
Je suis tirée de mes pensées d'un coup sec. Mais qu'est-ce que...
Devant la porte de mon appartement se tien Esme, des mèches de cheveux trempées lui collant au visage. Elle porte un grand manteau bordeaux par-dessus un pull qui devait probablement être à l'effigie de je ne sais quel groupe de rock des années quatre-vingt avant que la machine à laver ne détruise presque complètement le logo.
- Euh... Salut? je réponds sans vraiment quoi dire. Qu'est-ce que tu fais ici?
- D'abord, je suis vraiment, vraiment désolée pour tout ce qui s'est passé, commence-t-elle en enchaînant les mots tellement rapidement qu'il me faut une seconde pour réussir à la comprendre, mais j'ai vraiment, vraiment besoin de ton aide. Je comprends complètement si tu n'avais plus jamais envie de voir ma tête et j'aurais vraiment respecté ça, mais je suis vraiment, vraiment dans la merde et je sais pas à qui demander sinon.
Elle a raison, la revoir ne faisait pas partie de mes projets dans l'immédiat. J'ai beau avoir lu tous les messages qu'elle m'avait laissés, m'expliquant qu'elle était vraiment, vraiment désolée et qu'elle n'avait jamais fait semblant d'être mon amie - non, elle a juste fait semblant d'être étudiante pour pouvoir ensuite espionner les Shelby pour le compte des Lee.
Je ne sais toujours pas encore trop quoi faire de cette information. Ce que je sais, en revanche, c'est qu'à moins d'être la meilleure actrice du monde, il y a vraiment un problème quelque part.
Je sors mes clés de mon sac et ouvre la porte, avant de lui faire signe d'entrer.
- Si je me fais de nouveau avoir par une de tes manigances, dis-je en soupirant lorsque je referme la porte quand nous sommes à l'intérieur, juste... ne raconte à personne que je suis de nouveau tombée dans le panneau, d'accord? Par contre, tu peux dire que j'utilise des mots comme «manigance» au quotidien, parce que...
- Il faut que tu fasses quelque chose, Linn, ou il vont le tuer!
D'accord, je crois qu'il y a vraiment un problème quelque part. Elle se tient au milieu de la pièce, les yeux remplis de larmes. Soit on donne un Oscar à cette femme dans les cinq prochaines minutes, soit...
- Esme, qu'est-ce que tu...
- Linn, ils vont tuer Johnny Dogs! Et tout est ma faute!
- Ils? Qui c'est, ils? Et pourquoi ils tueraient un chien? Il est malade?
- Ils, les Shelby, bien-sûr! Il faut que tu m'aides, ils vont le tuer et...
- Doucement, Esme, je comprends genre absolument rien, je peux pas t'aider si je comprends pas.
Elle respire un grand coup, puis prends un mouchoir d'une boite qui est posée sur le bureau d'Olivia. Pendant un moment, Esme me toise de la tête aux pieds, comme si elle était en train de réévaluer ma capacité à aider qui que ce soit dans cette situation. Tant mieux, cette histoire ne me dise rien qui vaille de toute façon. Je jette un coup d'œil vers la salle de bains, d'où j'entends presque le robinet de la douche crier mon prénom. Un de ces jours, on pourra peut-être se retrouver avec Esme dans un café ou quelque chose comme ça, peut-être qu'avec le temps...
- Ce matin, il a reçu un paquet de la poste. A l'intérieur, il y avait une petite boite. Dans la petite boîte, une balle avec son nom dessus.
- Une balle? Attends, on parle de quoi comme balle, là?
- Pour un pistolet! s'exclame Esme comme si cela allait de soi. Linn, il faut que tu leur dises de le laisser en vie, ils ne peuvent pas juste tuer comme ça tout le monde avec qui ils ne sont pas d'accord!
- Attends, tu veux me faire croire qu'il y a écrit quelque part dans leur emploi du temps «tuer un chien»? Pourquoi faire, il... aboie beaucoup la nuit?
- C'est juste un surnom, c'est pas un chien! Il est aussi humain que toi et moi, c'est mon oncle. Celui... celui qui m'a demandé de me faire embaucher par les Shelby pour fouiner un peu, tu connais l'histoire. Et maintenant, ils vont le tuer pour ce qu'il a fait.
Pour ne pas la brusquer, j'essaye de ne pas paraître trop soulagée, même si je le suis intérieurement.
- Esme, je ne pense pas que... c'est Birmingham, ici, pas le Far West.
- Tu vis dans une grotte? me demande-t-elle sur un ton désolé. Birmingham, c'est cinq fois pire que le Far West.
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Michael Gray » Peaky Blinders AU
FanfictionBirmingham, 2019. Depuis plus d'un siècle, la famille Shelby est reine de Birmingham, à la tête d'un empire d'import-export aux quatres coins du monde. Rien ne semble pouvoir les arrêter. Mais cela ne plait pas à tout le monde... Linn, 19 ans, revie...