« Chapitre 26 : Cent Pounds »

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   Je ne suis pas sortie de chez moi de la semaine. J'ai hésité, vraiment. Ou plutôt, j'aurais voulu. J'aurais voulu pouvoir montrer à la vie que même quand elle envoie ses créatures de l'enfer à ma poursuite - ici, Polly Gray -, je ne me laisse pas abattre et arrive à affronter un nouveau jour avec courage et détermination...

   ... sauf que non, clairement. La vie a gagné, il me faut une pause.

   J'ai raconté à Olivia que j'étais tombée en sortant de la voiture de monsieur Gray. Ce n'est pas mentir, en théorie. Elle m'a regardée de la tête aux pieds d'un air à moitié convaincu, mais n'a pas posé plus de questions que ça, tout en précisant que si jamais j'avais besoin d'elle ou de la police, elle était là.

   En ce qui concerne Isiah, je n'ai pas eu à lui expliquer car quelqu'un s'en était visiblement chargé - monsieur Gray, probablement. Et pour une raison qui m'échappe pour l'instant, même Esme a eu vent de ce qui s'était produit. Pour la première fois depuis des semaines - ou plutôt, depuis que son statut d'espionne au profit de la famille Lee a été découvert, elle m'a envoyé un long message dans lequel elle disait qu'elle était désolée pour tout ce qui s'était passé, qu'elle n'avait pas fait semblant d'être mon amie ni celle d'Isiah et qu'elle me souhaitait un prompt rétablissement. Je ne lui ai pas répondu pour l'instant. 

   Je m'attendais à avoir au moins un coup de fil de quelqu'un chez Shelby Company Limited pour me faire signer une clause de confidentialité ou quelque chose du style qui m'interdirait formellement de raconter à qui que ce soit mon... périple avec Polly Gray, mais rien. Mais après tout, pourquoi se donneraient-ils la peine? Ils contrôlent à peu près toute la police de Birmingham - si ça se trouve, toute la police du pays, pour ce que j'en sais, ce n'est donc pas comme si je pouvais simplement marcher jusqu'au poste le plus proche pour faire ma déposition. 

   Monsieur Gray est la seule personne de cette affaire qui m'envoie encore tous les matins un message pour voir si je ne suis pas morte dans mon sommeil. Hier, je lui ai demandé par SMS comment ça allait se passer au niveau de mon travail et il m'a uniquement répondu que je n'avais pas à m'inquiéter pour ma paye et que j'étais actuellement en congé maladie.

   J'ai hésité à lui demander comment déposer ma démission, mais me suis finalement abstenue: je crois que dans cette situation, je peux me permettre de profiter de congés payés d'abord pendant un certain temps avant de mettre la clé sous la porte.

   J'hésite aussi à demander une importante somme d'argent à l'entreprise pour compenser les préjudices physiques et psychologiques dont j'ai été victime - oui, j'ai trouvé cette formulation sur internet ce matin, mais je ne sais pas trop comment m'y prendre. Le mieux à faire serait d'appeler monsieur Gray directement et lui parler de ça, même si... je sais pas, l'idée de l'appeler pour ça me gêne un peu. Après tout, ce n'est pas de sa faute à lui, mais...

   Non, tant pis, c'est à lui que je vais téléphoner. Hors de question de me retrouver avec Polly Gray ou je ne sais qui d'autre au bout du fil.

   Assise en tailleur sur mon lis, je déverrouille mon portable et appuie sur son nom dans ma liste de contacts. Il est 11h47, j'espère qu'il n'est pas en réunion ou... non, il faut que j'arrête de penser comme ça. Je suis une victime demandant une compensation, j'exerce ici mon bon droit.

   Deux sonneries. Il décroche.

- Mademoiselle Pritchard, tout va bien? (Je l'entends fermer une porte.) Qu'est-ce qu'il se passe?

- Rien de grave, je... vous aviez dit que je pouvais vous appeler quand je voulais, mais si vous préférez que je rappelle plus tard...

- Non, c'est bon. Tout va bien?

Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant