« Chapitre 55 : Scrabble »

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   Je suis restée chez Michael pendant toute la semaine suivante. Je ne sais pas trop comment ça c'est fait, je crois que c'est surtout parce que je n'ai pas évoqué le fait de devoir retourner à l'appartement et que lui non plus. 

   En y réfléchissant, il ne voulait peut-être juste pas me jeter dehors pour ne pas me brusquer et si ça se trouve, il se demande chaque matin en se levant si ça y est, aujourd'hui sera le jour où Linn va enfin dire « bon c'est bien beau tout ça, mais je crois que je vais rentrer chez moi, merci pour tout, la bise à la famille », mais ce jour n'est pas arrivé. 

   Mon Dieu, j'espère qu'il ne pense pas comme ça. Je ne crois pas qu'il pense comme ça. 

   Ce matin, j'avais un dernier examen à la fac et bien que j'aurais pu prendre le bus, c'est Michael qui m'a emmenée. Et il a attendu devant la salle pendant les deux heures où j'étais occupée à rédiger une dissertation en trois pages sur la situation économique du Royaume-Uni depuis 2007. Je ne pensais pas qu'il allait attendre. 

   Mais il est là, dans le couloir, en train de parler à Isiah que j'avais vu sortir de l'examen un peu avant moi. 

- Je t'avais dit que ça allait être depuis 2007 et pas depuis 1990 le sujet! s'exclame Isiah en me voyant arriver. J'ai bien fait de pas réviser tout ça pour rien.

   Parmi les gens qui se trouvent dans le couloir, je remarque quelques regards curieux se poser sur notre petit trio et plus précisément sur Michael. Bien sûr, il n'est pas le Peaky Blinders le plus connu, mais...  je doute vraiment que quelqu'un en ce bas monde ne sache pas qui il est. 

- C'est pas grave, dis-je en répondant à Isiah, je préfère avoir révisé trop que pas assez. Tu as fait quoi comme problématique pour le plan? 

   Pendant qu'Isiah m'explique ce qu'il a écrit sur sa copie et que je remets mentalement ma vie en question parce que je n'ai pas du tout fait un truc comme lui il l'a fait, on se dirige vers la sortie. Au moment où nous arrivons sur le parking, la conversation s'est transformée en un débat vif entre Michael et Isiah, qui ont commencé à arguer sur les possibles causes de je ne sais quel crash financier du début des années 2000. Ou plutôt, c'est Isiah qui déblatère ses arguments de façon très mélodramatique d'un côté et de l'autre, on a Michael qui énonce point par point, sans placer un mot plus haut que l'autre sa théorie.

   Au moment où Michael déverrouille sa voiture, Isiah s'installe à l'avant sur le siège passager comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. J'interroge Michael du regard et celui-ci me répond par un haussement d'épaules. D'accord.

- On va où, comme ça? je demande en m'installant à l'arrière et en mettant ma ceinture.

- Chez toi, Linn, répond Isiah comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Michael en a marre que tu traînes chez lui, mais comme il osait pas te le dire il m'a demandé de le faire comme ça...

- Va te faire foutre, mec, soupire Michael sans néanmoins se défaire de son petit sourire. (Le temps de faire la marche arrière pour sortir de la place de stationnement, il se retourne.) Ne l'écoute pas, Linn.

   J'essaye de ne pas l'écouter, mais cela ne m'empêche pas de culpabiliser un peu. Ça fait une semaine quand-même, c'est vrai que ça commence à faire long et...

   Mais je n'ai pas le temps de me morfondre plus que ça sur mon sort lorsque la voiture commence à rouler. Parce que je comprends rapidement que les petites rues exiguës que Michael emprunte ne mènent qu'à un endroit : mon appartement. 

   Ah. Isiah disait donc vrai. A moins que le trajet emprunté ne soit que le fruit d'un malheureux concours de circonstances : peut-être que depuis ce matin, une partie des routes de Birmingham sont fermées pour cause de... manifestations? Travaux? Accident? Et que ce n'est qu'un hasard que nous roulons dans ma rue et que...

Michael Gray » Peaky Blinders AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant