CHAPITRE 14 : La ravine

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Creusée par une antique montée des eaux, l'aberration géologique dessinait une balafre au relief tourmenté

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Creusée par une antique montée des eaux, l'aberration géologique dessinait une balafre au relief tourmenté. Une partie de la mégastructure s'était écroulée, s'effondrant en une coulée figée de gravats qui butait contre le fond sablonneux. La silice d'une teinte de charbon tapissant les environs lui rappelait le paysage fracassé et primitif de la cénote d'Alliance. Un tunnel inondé ouvrait son seuil immense droit devant lui, étrange image miroir de l'abysse sans fond qu'il avait autrefois contemplé sur la colonie humaine. L'eau engloutissait la majorité des marches, n'en laissant qu'une demi-douzaine à découvert. Plus loin, elle se répandait en une lagune d'une étonnante clarté. Des débris irréguliers délimitaient les bords de cet étang, recouverts de mousse et de fougères. Une arche ébréchée et incomplète dardait ses moignons sur un ilot terreux grouillant de câbles ou de lianes ; ici, cela revenait souvent à la même chose, car Haïdès avait déjà vu des arbres parés de fines lamelles de processeurs en guise de feuillage.

La nature aux alentours, cependant, ne souffrait d'aucune mutation du genre et cela le soulagea. Cette technologie métastasée, malade, mais si élégante par sa conception profonde, l'emplissait d'une aversion inexplicable. La purulence exhalée par l'esprit de Zhul'Umbra présentait une sophistication quasi-jouissive pour l'ingénieur encore présent en lui, mais sa curiosité s'était éteinte, cédant la place à une répulsion douce-amère. La ravine encadrée par l'immense sévérité des murs lui permettait d'échapper à l'omniprésence de ce dieu invisible.

Un calme temporaire, il en était conscient. Cela lui convenait. Sa découverte de l'endroit remontait à peu de temps après son réveil sur le sol de l'ignoble cellule où il avait passé plus de quatre-vingt-dix heures. Son esprit avait occulté les détails pour sa propre sécurité. Il se souvenait juste d'une rage meurtrière, d'une folie littéralement physique – il s'était jeté sur le premier venu en travers de son chemin, à moins qu'ils aient été plusieurs ? Peu importe. Il s'était traîné, avait couru et rampé, encore plein de sang, la charpie de son dos pas encore tout à fait cicatrisée. Il avait fini par s'écraser dans l'eau, dans ce même tunnel inondé devant lui et pendant quelques heureuses minutes, loin des injecteurs hypodermiques, il s'était enfin évanoui. Revenir sur ces lieux ne faisait qu'entretenir la haine parasitaire logée entre ses côtes. Un sentiment inutile. Il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même, car il avait accepté cela de son plein gré. Cette affirmation ne l'empêcha pas de vouloir s'arracher la colonne de l'umbrarmure à coups de griffes. Un échec. Cette saloperie était solidement ancrée, indissociable de lui-même et ça faisait beaucoup trop mal. Il lui arrivait encore d'en hurler de frustration.

Un froissement lointain le mit en alerte. Mue par un réflexe instinctif dont son nouveau système nerveux était à l'origine, la carapace sombre le recouvrit en quelques secondes. Il s'accroupit près du muret en ruines.

Une présence furetait dans la végétation à sa gauche. La tension raidit ses muscles tandis qu'il s'efforçait de rester immobile, l'appendice caudal artificiel achevant de se dérouler dans son dos. Ne pas bouger ne le rendit pas invisible pour autant. Cette umbrarmure présentait une énorme différence avec celle que le Syra lui avait autrefois légué : elle ne possédait aucune sorte de camouflage optique. Il se demandait bien pourquoi.

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