Une lumière tamisée et chaude filtra par l'ouverture ainsi créé et Haïdès se dit que l'équipage de l'Ereshkigal maîtrisait assurément les entrées théâtrales ; leur art de la mise en scène dépassait presque celui des habitants de Thelxinoe. Ils étaient cependant bien moins disciplinés et une cohorte de Thanyxtes se bouscula quelques instants sur le pas de la porte triangulaire, avant de former deux haies distinctes de chaque côté du court escalier. Ils portaient tous la Bahadur, l'armure traditionnelle zméide. Autrefois taillée et cousue à la main, elle avait conservé le goût pour le superficiel et le clinquant qu'il n'avait jamais su leur pardonner – les empiècements et les pampilles précieuses ornant leur uniforme montaient la vanité en triomphe et il ne le supportait pas. Cette tapageuse élégance réservée à l'élite lui révéla néanmoins une information précieuse : la caste propriétaire du vaisseau comptait parmi les dominants actuels. Lui qui ne s'était jamais réellement intéressé aux bouleversements politiques du Styx lorsqu'il s'y trouvait encore en fut surpris. Jamais il n'aurait cru les gueules rouges capables d'accéder au pouvoir.
De ce qu'il connaissait de son histoire, le Styx avait toujours été une dictature militaire plus ou moins laxiste, rythmée par les coups d'état entre différentes familles génétiques, mais tout de même, les zméides ne brillaient guère par leur intellect. Ils se contentaient de perfectionner leur industrie automatisée, produisant plus et toujours plus vite, gonflant l'armada stygienne de milliers de vaisseaux avec une régularité imperturbable. Une économie belliqueuse tournée vers le néant, car ils n'avaient jamais eu d'ennemi sérieux depuis des millénaires, mais qui voulait la paix préparait forcément la guerre dans d'innombrables chantiers spatiaux ; et même s'il avait combattu, il ne saisissait que peu l'intérêt d'une telle débauche, comme il ne comprenait pas la satisfaction de se draper dans une tenue d'apparat sophistiquée.
Se retrouver face à leurs gueules brunes tavelées de rouge et à leurs museaux butés aux cicatrices rituelles, lui rappela des souvenirs peu agréables. Depuis longtemps, il portait une aversion viscérale pour cette race issue des cataractes désertiques de Svarog. Des tribus arriérées, accouchant au mieux de péons et au pire, de chair à canon fière de se labourer la peau pour la marquer. Leur seule force était leur industrie : les zméides étaient un peuple laborieux de nature. Bâtisseurs stupides, ils étaient pourtant la base de cette civilisation qu'il ne reconnaissait plus vraiment comme la sienne. Le soleil impitoyable et le manque d'eau les empêchait de grandir pour atteindre leur plein potentiel physique, tassant leur silhouette. Trapus bien que correctement musclés et disposant d'honorables fantassins, ils n'en excellaient pas pour autant dans l'art troupier, se reposant principalement sur la force de frappe sobekienne en cas de conflit ; les créatures des marécages telles que lui étaient plus grasses et lourdes, taillées pour le combat, privilégiées mais peu nombreuses. On lui avait appris à les abhorrer depuis qu'il était en âge de raisonner, mais cette morgue, Haïdès la savait héritée d'un égocentrisme racial propre à la prestigieuse branche génétique dont il était lui-même issu.
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IMPACT
Science FictionPersonne n'échappe à Hélion GmbH, le plus gros fabricant d'armes du Système Circulaire. Ni la fille du patron de l'entreprise. Ni le mercenaire malchanceux essayant de revendre du matériel de la compagnie suisse pour arrondir ses fins de mois. Ni M...