CHAPITRE 2 : Quatre degrés

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Bien des heures plus tard, Haïdès revint, le corps rompu de courbatures

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Bien des heures plus tard, Haïdès revint, le corps rompu de courbatures. Le bloc médical ne se trouvait guère loin des quartiers communs qu'on leur avait assignés. Même sans l'obséquieux guide que lui avait délégué Ka'Zed, il aurait pu aisément les retrouver. Sa jambe l'élançait encore malgré l'épais pansement et la suture, mais la douleur demeurait supportable : déjà, le gel structurel charrié par son hémoglobine formait sa gangue miraculeuse et il ne boîtait presque plus. Dans la vaste infirmerie, il s'était vu proposer la Bahadur en remplacement de sa combinaison déchirée et il avait décliné, poli mais ferme. Hors de question de revêtir leur ridicule costume clinquant. Il avait donc insisté pour qu'ils rapiècent sa vieille tenue du Syra, la seule qui lui restait, et l'unique chose qui le rattachait encore au Styx. Pas celui, décadent et vicieux, que l'Ereshkigal hébergeait en son sein ; non, son Styx à lui, celui des marais, des tourbières et de l'ordre tranquillement solitaire des Sobekiens.

Pour une raison qu'il lui était difficile de déterminer, il se sentait particulièrement sale, imprégné d'une crasse invisible, si bien qu'aussitôt les frontières du dortoir franchies, il s'empressa de se débarrasser de son vêtement.

Sur un vaisseau, ou même sur leurs planètes, ils ne possédaient ni lits ni propriété propre. Dans une société aux ressources abondantes, toute notion de privé devenait futile. Le dortoir de l'Ereshkigal n'y faisait pas exception : collé contre une large baie translucide, il se résumait à une quarantaine de mètres carrés, traversée par un large bassin rempli à ras bord et entouré de couches, parfois surélevées, placées loin les unes des autres. Aucun lampion n'y était allumé. On y accédait par une arche basse, dépourvue de porte. Les lieux étaient déserts, mais cela ne l'étonna pas. De ce qu'il en avait aperçu, il se doutait que la station gigantesque n'était pas entièrement peuplée.

Avec un mince soupir, Haïdès s'enfonça dans la piscine rectangulaire, savourant la tiédeur idéale de l'eau, la laissant dénouer ses muscles avec douceur. Face à lui se dressait une immense baie d'observation, s'ouvrant sur le vide, à l'image des nombreuses terrasses de Thelxinoe. Les profondeurs sidérales ne le terrifiaient plus depuis des années. Il fut néanmoins impressionné par la portion du vaisseau qui se découpait derrière la vitre épaisse. Arrondissant sa courbure élégante, la station formait un anneau incomplet à des centaines de mètres de leur secteur. Se mêlant aux ténèbres extérieures, sa matière furtive s'illuminait parfois de minces rectangles. Des hublots, des entrées blindées accédant aux hangars et des batteries de canons destinées à la défense du périmètre interne pointaient sur toute sa longueur.

Insignifiante face à ce panorama, une silhouette fragile s'était recroquevillée contre la froideur du verre, les genoux ramenés vers elle, se calant au sol sur une paillasse. Haïdès dériva, ravalant la contrariété qui venait de le saisir. Elle aurait dû dormir. Elle était bien plus épuisée que lui. Résister ainsi au sommeil était déraisonnable, sachant ce qui les attendait ensuite. Débarquer dans le Circulaire dans son état actuel était exclu. Cela n'arriverait pas avant quelques cycles circadiens, bien entendu, mais tout de même...

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