C'était identique à ses souvenirs. Un océan teinté d'un azur profond, devenant violacé au crépuscule, cernant des étendues de sables paradisiaques. Un atoll empli de silice et de débris de coquillages, créé par une ancienne activité volcanique, dont il ne subsistait que des lagunes d'un calme de marbre. Une brise agitait la végétation tropicale en permanence, chassant les feuilles mortes vers l'eau en un ballet tiède imprégné par l'odeur du sel. Une copie presque conforme de l'inquiétante forêt de Thelxinoe ; un clone végétal bien vivant, vibrant et frissonnant sous la profusion d'oiseaux et d'insectes qui s'y terraient.
Hypnotisée par les palétuviers penchés sur la plage vierge, elle ne prêta nulle attention à la navette qui quittait l'atmosphère dans un bruit de propulseur étouffé. Dans quelques heures, la marée montante effacerait le cercle brûlé que le transport avait laissé sur la douceur du sable. Dérangé par leur présence, un toucan toco maladroit s'envola dans un froissement de plumes et Aélig suivit sa courte trajectoire, la gorge nouée par la nostalgie. Une dizaine d'années auparavant, son père avait eu la brillante idée d'importer quelques-unes de ses bestioles sur l'atoll de l'usine. Une catastrophe écologique. Les toco s'étaient reproduits comme des lapins, à tel point que les gardes s'étaient vus forcés d'en abattre des centaines afin d'en endiguer le flot criard. Une véritable épidémie. Karavindra l'avait qualifiée de toucanite. Elle en sourit presque, inspirant l'iode qui saturait l'air.
Après le dédale infernal du vaisseau de guerre Thanyxte, fouler une terre exposée au ciel l'emplissait d'un enthousiasme qu'elle croyait ne plus jamais ressentir. Peu à peu englouti par la tombée du jour, l'horizon se parait d'étoiles. Rabattant son foulard, elle savoura ce début de fraîcheur nocturne à pleins poumons. Ils avaient eu la présence d'esprit de lui fournir une tenue plus adaptée, et elle avait retrouvé une combinaison semblable à celle de Koschei, soulagée de se débarrasser des nombreux voiles qui lui masquaient le corps. Elle ne résista pas à la tentation de la mer proche et enleva ses bottes pour y plonger les pieds, foulant le sable imbibé à pleins orteils. Ravivé par ce contact, le phytoplancton saturant l'eau s'illumina du bleu électrique de la luciférine. Elle n'y tint plus et éclata d'un rire joyeux.
Debout à bonne distance de la rive, Haïdès l'observait s'amuser sans partager son engouement. Lui aussi avait troqué sa combinaison contre une autre, sombre et renforcée d'un côté du plexus, comme celle qu'il portait autrefois sur le Lance. Contrairement à elle, il était descendu armé. Maintenu par une sangle ajustable, un fusil d'assaut à l'embout triangulaire se serrait contre son flanc. Elle détestait l'air que ça lui donnait. Dans la nuit tombante, sa grande silhouette lui évoquait celle d'un pilier minéral de plus abandonné sur la côte. Ramassant ses mains en coupe, elle lui lança une poignée d'eau de mer en plein sur le museau et il s'ébroua avant d'éternuer.
— Je comprends pas comment on peut aimer se baigner là-dedans, dit-il en fixant les maigres vagues qui s'écrasaient sur le rivage.
— J'irais bien nager, moi, avoua-t-elle.
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IMPACT
Science FictionPersonne n'échappe à Hélion GmbH, le plus gros fabricant d'armes du Système Circulaire. Ni la fille du patron de l'entreprise. Ni le mercenaire malchanceux essayant de revendre du matériel de la compagnie suisse pour arrondir ses fins de mois. Ni M...