CHAPITRE 5 : L'Ascension

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Infatigable automate, Tisse-Circuits avalait les kilomètres sans varier son allure d'un iota

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Infatigable automate, Tisse-Circuits avalait les kilomètres sans varier son allure d'un iota. 

Quand Aélig avait demandé à Aresh depuis combien de temps était-elle assise sur le dos de la créature, il lui avait répondu « des centaines d'heures » sans être plus précis. 

Elle avait songé qu'évoquer l'idée d'heures et de jours ici était absurde. Il n'y avait même pas de ciel, seulement des plafonds en caissons ou des hauteurs insondables. 

Ce qui la perturbait le plus durant ce périple interminable n'étaient pas les paysages déments et brutaux, ni les empilements mégalithiques défilant devant son regard ébahi, non ; ce qui la terrifiait au-delà du raisonnable, c'était qu'elle n'avait toujours pas faim.

Leur compagnie disparate déambulait désormais à l'intérieur d'un canyon architectural aux murs parfaitement perpendiculaires. Une passerelle rectiligne dépourvue de garde-corps longeait la paroi gauche, se perdant à l'horizon monotone en un point de fuite grisâtre. Aélig avait depuis longtemps renoncé à déterminer l'origine de la lumière atone présente dans ce lieu.

Le béton anthracite autour d'elle, en permanence humide, suintait comme s'il venait d'essuyer une violente averse, mais le sable couleur de cendre visible en contrebas était sec. Elle se demandait d'ailleurs s'il s'agissait de poussière de silice car elle était persuadée d'y avoir aperçu des tourbillons. De ce qu'elle avait vu de ce monde sous-terrain, cela aurait très bien pu être une rivière de mercure figée dans une stase incompréhensible.

Ils bifurquèrent bientôt dans un boyau adjacent, abandonnant l'immense tranchée silencieuse. 

L'inclinaison du terrain croissait. Ici, le noir était complet ou presque, mais après un court instant, Tisse-Circuits déboucha au pied d'une côte grise. Fendant le dénivelé de béton ciré en deux blocs distincts, une rigole profonde vomissait un torrent d'eau vive. Le flot crépitant formait de profondes mares près des grilles d'évacuation vissées au sol, agitant paresseusement des algues microscopiques d'un vert émeraude. 

Une mousse spongieuse grimpait sur les degrés de pierre, trop hauts pour être enjambés par un humain. La pente montait très haut, cernée par des murs métalliques zébrés de traces de rouille brunâtre. L'air était plus frais ici, et Aélig se surprit à respirer avec plus d'aise.

Soulevant de grandes gerbes liquides, Tisse-Circuits franchit l'espace occupé par les bouches grillagées et se mit à grimper. La traction exercée par ses membres supérieurs était stupéfiante, propulsant sans peine les deux ou trois tonnes de la machine. 

Ses pattes pointues entamaient à peine la roche lisse des marches. Affleurant à la surface de béton telle des os à l'intérieur d'une vieille plaie, l'armature ancienne pointait parfois son métal rougi. Soudées aux parois verticales, des trappes mystérieuses et boulonnées traçaient des triangles obsédants tout le long de la montée. Ce spectacle monotone la lassa bien vite. 

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