Deuxième mythe : Tul-Kathor

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Source indéterminée

Quand il arriva au monde, Zar-Shâ fut immédiatement perçu comme un monstre. Son espèce n'engendrait pas de créatures albinos, si bien qu'il fut naturellement abandonné à la naissance dans le désert et il serait probablement mort nourrisson si les Archivistes Sylphanètes ne l'avaient pas trouvé.

Vouant un culte aveugle aux anciens dieux de Tribus de Tul-Kathor, les Archivistes considéraient sa peau blanche comme un signe céleste. Ainsi, Zar-Shâ devint chaman, prophète et guérisseur et il pria Nazarah de répondre à son peuple. La première partie de son existence isolée se déroula paisiblement.

Puis tout changea.

Très loin dans le désert de dunes et d'eau stérile – celui-là même où il avait été laissé à la mort, Nazarah était descendu du ciel ou remonté des abîmes et avait marché sur la capitale. À ce qu'il se disait, son souffle rendait fou. Personne ne savait à quoi leur dieu ressemblait. Ceux qui l'avaient regardé en face perdaient la parole et la vue.

Peu après se manifesta la Voix de Nazarah.

Silhouette femelle squelettique aux traits dissimulés par un capuchon, les os drapés par un voilage épais, elle était haute de trois mètres, bien plus grande que n'importe quel Sylphanète.

— N'ayez pas peur, dit-elle à ceux qui rampaient hors des ruines de Tul-Kathor, la cité des Tribus. Nazarah vous a entendu.

On disait que ceux qui écoutaient la Voix du dieu restaient pétrifiés sur place.

— Il est temps pour vous de vous battre pour Nazarah, avait-elle déclaré.

Le Dieu des Tribus leur donna le feu de l'atome et les chariots du ciel. À la place de Tul-Kathor, les Sylphanètes construisirent des autels en treillis pour la croisade de Nazarah. L'Archiviste Zar-Shâ se rendit une seule fois sur place pour regarder.

Ce qu'il vit là-bas le révulsa.

Les yeux blancs, aveugles comme des bêtes des profondeurs, des milliers de Sylphanètes muets s'échinaient à assembler des vaisseaux et des armes. Les radiations faisaient peler leur peau à vif. Ils continuaient cependant, enjambant les cadavres des leurs avec indifférence.

Tul-Kathor était tombée.

Quel dieu ferait ça, avait pensé Zar-Shâ en s'enfuyant de l'ancienne cité.

Nous ne sommes pas des esclaves.

Les Sylphanètes avaient toujours été de grands guerriers aux capacités physiques hors-normes. Bâtis comme des Titans, ils avaient pourtant goût à l'art et la musique. Durant des dizaines de saisons, à l'abri dans le désert qui avait failli le dévorer quand il était enfant, Zar-Shâ passa de nombreuses nuits à pleurer sur la mort de sa culture, piétinée par Nazarah.

Consciencieux Archiviste, il avait essayé de sauvegarder de mémoire son propre peuple. Leurs chants et leurs coutumes. Il avait dessiné leurs cités, leurs jardins, leurs monuments avant que Nazarah n'y fasse pousser d'affreuses usines empoisonnées.

L'atmosphère était devenue rance. L'eau des fleuves avait tourné. Le ciel avait disparu sous une couverture de particules grises.

La respiration de l'ancien dieu avait empoisonné l'air et la nature.

Il fallut quelques cycles de lunes avant que la Voix de Nazarah et son armée silencieuse ne découvrent les quartiers des Archivistes. Elle était arrivée un soir d'éclipse, entourée d'une odeur toxique de diesel.

— Obéissez, Prométhéens, dit-elle aux Sylphanètes.

Les Sylphanètes étaient partis en guerre, eux qui ignoraient il n'y a pas si longtemps qu'ils n'étaient pas seuls dans l'univers.

Leurs tactiques primitives, leurs armes et armures, certes solides mais archaïques, étaient largement insuffisantes face à l'arsenal qui les attendait à l'extérieur.

— Vous êtes faibles, susurrait la Voix spectrale à son peuple de dominés.

La guerre Prométhéene avait duré moins de six mois. Ils avaient réussi à détruire onze planètes sous le feu thermonucléaire.  

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