CHAPITRE 4 : Haruspice

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Après avoir rapidement examiné l'imagerie médicale dans le datapad, Haïdès se promit de ne jamais lui en parler

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Après avoir rapidement examiné l'imagerie médicale dans le datapad, Haïdès se promit de ne jamais lui en parler. Ce que Zhul'Umbra avait infligé à son corps dépassait l'entendement. L'intégralité de ses organes s'était décomposée, remplacée par des nodules et des sacs sombres, des limaces gonflées par le ferrofluide. Un cancer opaque s'étendait désormais à la place de son système digestif. L'avait-Il évidée avant d'y fourrer ces viscères noirâtres et tordues, où s'était-Il contenté de la pourrir de l'intérieur ? Pourtant rompu à toutes les formes de morbidité médicale, il ne put contempler ces clichés plus de quelques minutes. Il n'eut pas non plus les forces d'en détailler les relevés. Les chiffres et les résultats d'analyses préliminaires s'obstinaient à former des réalités qu'il rejetait en bloc. Aucun retour en arrière n'était possible. Une question l'obsédait néanmoins : quand, poussé par un besoin irrépressible en plein cœur des ténèbres, il allait mêler sa chair à la sienne, était-ce réellement elle ? Ou un avatar visqueux de cette chose ? Non. Il refusait d'y croire. Mais cette difformité interne... cette mutation ignoble, invisible... son cerveau se résumait à un agglomérat de vésicules mimant un réseau neurologique... et cette lueur dans son regard, il y a longtemps, dans la ravine...

Il se retint de fracasser le datapad par terre, contrôlant tant bien que mal le tremblement nerveux qui parcourait ses mains. Pendant un moment, il songea à s'injecter une dose de tranquillisant afin de s'assommer complètement et ne plus ressentir toute cette ignominie pendant au moins quatre heures. Mais si elle se réveillait entre temps ? Elle allait être déboussolée, elle aurait peur ; il lui fallait être présent, c'est tout ce qu'il pouvait faire, de toute manière. Alors, il cogna son mollet affaibli contre le bord acéré de l'alcôve, encore et encore, jusqu'à ce que la douleur vive devienne atroce, occultant son envie de narcotique – et plaquant le côté de sa gueule contre la roideur de la vitre, il fixa la station demi-circulaire sans la voir. Son esprit dériva dans les ténèbres extérieures. De temps en temps, le champ invisible entourant la coque s'irisait sous l'impact d'un débris spatial renvoyé au néant. Il savait l'Ereshkigal en mouvement, filant à une vitesse inimaginable vers la bordure du Kohltso. La fatigue l'emporta bientôt, et il tomba dans un sommeil inconfortable.

Quand il se réveilla, tiré de sa somnolence par un mouvement périphérique, il eut la désagréable impression de n'avoir dormi que quelques minutes.

Remuant sur sa couchette, Aélig se redressa avec une vivacité surprenante, les yeux écarquillés et le souffle court. L'apercevant près du hublot, elle étouffa un gémissement paniqué.

— Ce n'est que moi, assura Haïdès d'une voix enrouée.

Il n'eut pas le courage de s'approcher d'elle. La vision de l'abdomen éventré de Ninhursag le hantait, fascinante et odieuse à la fois. Ka'Zed avait évoqué une charge neurologique extrême. Voilà en quoi il l'avait indirectement transformée. Une créature encore plus vicieuse que lui. Il ne méritait probablement pas mieux en guise de compagnie. Le reconnaissant enfin, elle se calma, quittant le lit et s'avançant dans la pièce d'un pas mal assuré. Ignorant son nouvel environnement, saisie par une urgence, elle se jeta sur la vasque aussitôt qu'elle l'eût remarquée. Figé dans l'expectative, Haïdès la regarda se débarrasser du voile de Sekhmet, le jetant au sol d'un geste répugné. Plongeant ses mains dans l'eau stagnante, elle se frotta le visage et le corps avec un acharnement maladif, sanglotant à moitié tandis qu'elle se débarrassait de l'ignominie coagulée répandue sur sa peau. Une flaque sale se forma peu à peu à ses pieds. Tremblante, mouillée, elle soupira, enroulant son corps enfin propre dans sa nouvelle étole.

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