CHAPITRE 8 : Interface de chair

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L'idée de sa propre mort n'avait jamais véritablement effleuré Légion.

Tout comme la plupart des certitudes qui composaient son existence, le fait qu'il soit composé de chair périssable avait toujours été pour lui un sujet de plaisanterie parmi tant d'autres. 

Il avait souvent été poliment qualifié d'inconscient, persuadé d'échapper en permanence au plus funeste des destins. Cette idiote assurance d'immortalité lui venait très certainement d'avant, car quand on avait neuf enveloppes comme les chats avaient neuf vies, on ne pouvait pas vraiment mourir, n'est-ce pas ?

Mais maintenant, tout était différent, et il ne s'en rendait compte qu'avec une surprise distante. 

Aujourd'hui, traversant craintivement l'enfilade de pièces sombres, il savait que si son corps disparaissait, son esprit s'éteindrait à l'instar d'une ampoule qui grillait. 

Cette perspective lui faisait une impression étrange, comparable à celle qui arrivait lorsqu'il ratait involontairement une marche.

C'était peut-être la stupidité de la situation présente qui l'angoissait le plus. 

Risquer sa peau sur des ordres aussi absurdes était une grande première pour lui. Lindstradt était vraiment le pire des employeurs qu'il avait eu... et ce qu'il lui demandait de faire... 

Se sacrifier pour cette quête terrifiante par son non-sens... qu'avait-il fait pour mériter cela, au juste ? Quel enchaînement d'événements précis l'avait conduit à déambuler dans ce vaisseau de mort, défendant une cause qu'il ne saisissait que par bribes ?

Le directeur de cette entreprise de crevards avait déclaré qu'il fallait dératiser Kappa-Centauri des Prométhéens qui y vivaient encore, sous le prétexte de leur faire payer les exactions commises sur Alliance, mais Légion savait le raisonnement foireux.

Il avait été là, dans les hangars ravagés de l'Unité de Production, il l'avait parfaitement entendu regretter les pertes financières plutôt qu'humaines ; tous ces discours débordants d'émotion, assoiffés de vengeance, que Lindstradt avait ensuite livré à la plèbe n'étaient que des mensonges habiles, recouverts d'un vernis de vérité déformée jusqu'à en devenir méconnaissable. 

Il voulait réduire au néant une espèce déjà mal en point juste parce qu'il le pouvait ; pour se prouver à lui-même, au monde entier, qu'il en était capable, et ainsi nourrir son égo de milliardaire qui s'ennuyait.

Après tout ce qu'ils avaient vu sur Alliance et Odyssée, le monolithe fait de viscères, l'intérieur du vaisseau échoué, le Prométhéen décomposé doué de parole, et le reste, comment pouvait-il ignorer que ce qu'il voulait affronter ne leur laisserait aucune chance ?

S'il avait eu le choix, Légion ne se serait jamais laissé entraîner dans cette croisade dont il redoutait l'issue. 

Par crainte, il avançait si lentement que le temps lui paraissait s'écouler beaucoup plus longuement que d'habitude. 

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