CHAPITRE 16 : Les villes-sirènes

95 16 22
                                    


Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.


Odyssée était devenue une colonie exclusivement agricole depuis un peu plus de trente ans. 

Monde éden d'une monotone platitude découvert par la mission d'exploration spatiale d'Oslo, il avait ensuite été cédé à plusieurs compagnies agro-alimentaires qui, après avoir saigné la Terre à blanc, cherchaient de nouveaux terrains à exploiter afin de nourrir les bouches de plus en plus nombreuses et affamées que l'Humanité expansionniste charriait inévitablement dans son sillage. Les quarante et quelques milliards d'êtres humains qui peuplaient les colonies posaient depuis longtemps des problèmes quasi-insolubles aux greniers alimentaires.

L'exploitation agricole avait donc pris des proportions inimaginables.

On avait dû construire des engins de la taille de brise-glaces pour s'occuper de cultures transgéniques grosses comme des pays, on avait multiplié les serres hydroponiques et les bassins d'algues par cent mille, mais la famine ravageait encore les régions galactiques les plus pauvres. 

Et bien qu'Odyssée tournât à plein régime quelle que soit la saison, le Kohltso avait dû investir dans six autres planètes-grenier à travers tout le système, les confiant à des géants de la nourriture à moindre coût ; des agglutinements d'entreprises séculaires et obscures, ravies de confier leurs terrains aux laboratoires spécialisés, leurs engrais chimiques et leurs pesticides mortels qui stérilisaient les sols au bout de seulement un demi-siècle, car ce qui comptait était le résultat immédiat et rien d'autre.

Il ne restait pratiquement plus personne pour protester contre de telles méthodes expéditives, à part les fanatiques de Green Edge.

Jouissant d'excellentes conditions climatiques, les trois continents d'Odyssée présentaient en général une terre vallonnée mais peu abrupte, idéale pour y installer les gigantesques silos à grain, tours de guets monolithiques au milieu des champs infinis de blé, d'orge, de seigle et de maïs que sillonnaient les robots d'arrosage automatique et les moissonneuses-batteuses sans conducteur. Plus au sud, d'innombrables élevages en batterie de poulets exagérément obèses, gavés de compléments alimentaires, côtoyaient des étables remplies de Yaggas, une race animale importée par les Limrah depuis un monde lointain. 

Croisement étrange entre le corps massif d'un bœuf musculeux et d'un ours préhistorique, le Yagga était une sorte de bovin docile, stupide et à moitié aveugle se révélant un miracle inespéré. Sa viande fournissait à elle seule la moitié de la consommation du Système Circulaire.

Complétant ces paysages fantômes hantés par le cliquetis des drones et des tracteurs guidés à distance, des étangs artificiels s'étendaient sur des superficies incalculables, poissonnières alimentant des barrages hydroélectriques qui recrachaient l'eau dans un tumulte infernal de turbines gigantesques. 

IMPACTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant