CHAPITRE 10 : L'entonnoir à orages

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La chute avait été longue, mais Aélig ne conservait aucun souvenir de l'impact

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La chute avait été longue, mais Aélig ne conservait aucun souvenir de l'impact. Une de ses jambes avait été tranchée net par une arête acérée et pendait en un angle impossible, retenue à son genou par quelques minces filaments visqueux. Sa tête avait frappé la surface en premier et elle sentait son crâne baigner dans une bouillie poisseuse. Elle ne pouvait plus bouger un seul membre car une antenne épaisse avait sectionné sa colonne vertébrale avant de traverser son estomac dans un claquement immonde. À chacune de ses expirations, elle régurgitait du gel structurel au goût fadasse.

Elle avait atterri sur un monticule hérissé de capteurs, s'épinglant là tel un fruit trop mûr. Si elle levait les yeux, elle pouvait apercevoir un bout de la terrasse, une trentaine de mètres plus haut. Elle était tombée de l'équivalent de deux immeubles et elle n'était pas morte. Elle ne savait même pas si elle avait mal. La sensation des liquides quittant son corps éclaté était gênante, mais guère insupportable. Comme si, quelque part en elle, une soupape de sécurité venait de se verrouiller, lui refusant le luxe de la souffrance.

« Fait chier », voulut-elle dire, ne parvenant qu'à expectorer un infâme gargouillis.

Elle ignorait combien de temps elle passa ainsi, immobile et impuissante, à fixer le ciel morne en expirant des filets noirâtres. Aucune aube ne se leva. Aélig finit par comprendre que nul soleil n'éclairait cette terre depuis des lustres. Elle se demanda également si elle finirait par succomber à ses blessures. Les heures passèrent. Son état demeura stable. Elle avait eu tort.

Un bourdonnement magnétique se fit entendre au-dessus d'elle et elle ouvrit les yeux. Lévitant dans les airs par elle ne savait quel miracle technique, un assemblage rectangulaire s'arrêta à un mètre cinquante de son corps prostré. Le ventre du caisson s'ouvrit, laissant cascader de longs câbles renforcés. Cela lui fit penser à un calamar volant, et elle étouffa un rire qui ressemblait plutôt à une toux. Un pincement désagréable traversa ses membres quand le cube surgi du ciel l'emprisonna dans son étreinte tentaculaire, tirant son poids mort vers le haut. L'antenne tordue fichée dans son ventre disparut, se retirant en un glissement écœurant. 

La soulevant à quelques mètres du sol, le cube de transport de fret l'abandonna près du mur le plus proche, la posant à terre avec douceur. Rétractant ses pinces et se tuyaux, il s'éloigna en ronronnant, disparaissant de son champ de vision en une fraction de seconde. Comme Aélig était incapable de tourner la tête, elle ne pouvait observer qu'une infime partie de son environnement. Tout près d'elle, une trappe coulissa et un œil écarlate se pencha sur elle. Révulsée, elle tenta de le chasser des mains, mais ses bras refusèrent de bouger. 

Puis quelque chose la tracta dans les ténèbres.

Non, voulut-elle crier.

Elle se retrouva la tête en bas, plongée dans un bain visqueux au goût de gazole. Le bout de ferraille planté dans son dos parut se contorsionner, l'électrisant d'une douleur innommable. Ouvrant la bouche pour hurler, elle ne parvint qu'à avaler une gorgée répugnante, se tordant en un haut le cœur. Un carcan aigu s'accrocha à ses membres, les étirant. L'oxygène finit par lui manquer et elle perdit connaissance.

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