CHAPITRE 3 : Le Mouvement du Vivant

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Il n'y avait rien ici, à part l'eau

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Il n'y avait rien ici, à part l'eau.

Une eau primordiale, sans fond, dans laquelle elle flottait depuis une éternité. La sensation d'apesanteur n'était ni plaisante, ni désagréable, juste neutre.

Comme elle n'avait pas vraiment conscience de son corps, elle pouvait sonder les profondeurs dont son esprit était cerné, mais elle n'y rencontra que le vide abyssal. 

Aucun remous, aucun courant ne venait troubler sa position, et elle finit par se demander si elle se trouvait véritablement dans un milieu aquatique. 

Elle dériva ainsi pendant des heures ou des siècles, somnolant avec paresse.

Les sensations revinrent à elle avec la puissance montante d'une marée.

Soudain, elle avait la tête en bas et une tenaille lui déchirait le dos, fouillant à l'intérieur de sa colonne vertébrale. Accroché à ses chevilles tel une sangsue, un poids invisible la tirait vers le bas, plus profond encore, vers le néant absolu. Un cri se bloqua dans sa gorge, gargouillement obstrué par une membrane collant à son épiderme. Sa chute fut interminable, ses mains cherchant en vain à s'accrocher. Elle ne se noya pourtant pas.

Alors que son visage perçait enfin les flots, elle eut très froid, le corps transpercé jusqu'aux viscères par une multitude d'aiguilles inquisitrices. À sa première inspiration, elle tomba, se réceptionnant douloureusement sur le dos. Une sorte de mucus l'enveloppait tel un cocon de soie démesuré, d'une élasticité de cellophane. 

Batailler contre cette camisole l'épuisa bien plus vite qu'elle ne l'aurait cru, mais elle ne s'arrêta pas avant de s'être complètement dégagée en une éclosion peu ragoûtante. Ses vertèbres l'élançaient, courbant son dos avec disgrâce.

Un petit objet roula au loin, mais elle était trop déboussolée pour y prendre garde.

Un afflux de nausée la prit à l'œsophage, et se tournant sur le flanc dans un spasme, elle vomit une bouillie d'albâtre. Croyant y distinguer le grouillement de choses vivantes, ses yeux se remplirent de larmes, lui épargnant les détails horrifiques de ce spectacle. Les petits organismes blanchâtres rampèrent tout autour d'elle, mais elle était désormais subjuguée par autre chose.

L'eau, le liquide boueux, l'éther ou elle ne savait quoi, était une surface miroitant à la place du plafond – elle avait pourtant eu la nette sensation d'avoir coulé, pas d'avoir été tirée vers le haut. 

Cette eau n'avait rien à faire là. Elle défiait les lois de la physique par sa simple présence.

Si elle se levait, elle était sûre de tomber dans cet océan suspendu, alors elle resta immobile, le souffle court, son oreille interne la suppliant de clore les paupières pour échapper au vertige éprouvé devant l'anormalité. 

Quand le tournis fut trop fort, et que le monde se mit à tanguer en-dessous et au-dessus d'elle, elle bascula sur le ventre, non sans efforts. Le contact glacé, quoique grumeleux, contre sa joue, fut une bénédiction qu'elle accepta en fermant enfin les yeux, sombrant dans la torpeur.

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