CHAPITRE 2 : L'autre

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       L'hôpital du district de Swarth était totalement excentré de la périphérie urbaine

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       L'hôpital du district de Swarth était totalement excentré de la périphérie urbaine. Pour s'y rendre, elle avait dû emprunter un vétuste train à traction magnétique, dont les wagonnets avaient découpé les brumes liquides de la lande environnante. Certains bancs de brouillard avaient englouti la rame pendant plus d'une dizaine de minutes, la privant de toute visibilité périphérique et elle avait passé de longs instants à lutter contre une claustrophobie primitive. Le centre médical était un ancien pénitencier reconverti il y a de cela un demi-siècle. Il en avait gardé les miradors filiformes et les hautes murailles. Même privées de leur couronne de barbelés, elles restaient d'une froideur marmoréenne.

À cette vue, Aélig se dit que décidément, elle commençait à en avoir sa claque, des prisons et du rappel allégorique que celles-ci lui offraient de sa condition précédente. Les allées géométriques et les arbres soigneusement taillés autour des fontaines n'enlevaient rien à l'image d'asile dégagée par la construction d'utilité publique. Une flopée d'ambulances, montées sur des chenilles pneumatiques maculées de boue, s'entassait dans un grand parc de stationnement bétonné, séparée des véhicules tout-terrain des visiteurs et du personnel.

Devant les immenses portes automatiques de verre et d'acier se trouvait un large panneau de marbre, indiquant la direction des différents services. Elle y jeta un vague coup d'œil avant de s'engouffrer à l'intérieur du bâtiment.

Installée derrière un vaste comptoir de verre trempé couleur azur, une femme au brushing impeccable, trop bon chic bon genre pour être totalement honnête, l'accueillit avec un sourire formel. Pour une clinique flirtant avec les marges de la légalité, l'ensemble paraissait d'un professionnalisme à toute épreuve. La salle d'attente était condamnée par une rubalise à moitié déchirée.

Elle se demanda si elle devait s'en inquiéter ou, au contraire, en être rassurée.

N'arrivant pas à prendre de décision, Aélig s'approcha donc de la blondasse retranchée dans sa douve opaque.

— Bonsoir, la salua-t-elle poliment en posant les mains sur la surface lisse. On m'a dit que vous pouviez me débarrasser d'un NT-16, ici.

Retroussant sa manche, elle brandit la saignée de son coude sous le nez poudré de l'hôtesse d'accueil. Le sourire de la quadragénaire aux ongles manucurés se mua en une moue désolée puis suspicieuse.

— De toute évidence, on vous a mal renseigné, renifla-t-elle, peu amène.

Aélig sentit son enthousiasme se dégonfler lentement pour se transformer ensuite en franche colère.

— Vous foutez pas de ma gueule, déclara-t-elle. Je sais très bien ce que vous fabriquez ici. Je ressemble à un comité d'inspection d'hygiène, à votre avis ?

La femme l'étudia attentivement pendant un instant qui lui parut interminable.

Aélig imaginait parfaitement ce qu'elle devait avoir en face d'elle à cet instant précis : être humain de sexe féminin, vingt-cinq ans à première vue, cheveux noirs d'une propreté douteuse, une tenue vestimentaire qui avait eu le temps de vivre nombre de péripéties en vingt mois de cavale, complexion moyenne, ni maigre ni grasse et des yeux verts qui, dans leur autre configuration, étaient probablement connus dans le Circulaire entier.

IMPACTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant