Chapitre 84

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PDV Lyra

Le silence. C'est mon quotidien, toute ma vie depuis 5 années. Bien que rien ne soit jamais vraiment silencieux. Mais aujourd'hui, alors même que je ne sais plus ce qu'est le bruit, j'ai l'impression de redécouvrir ce que cela fait de ne rien entendre.

A travers cette fenêtre à moitié recouverte de givre, j'imagine le chant des oiseaux, sur la branche de ce haut sapin. Le craquement de la neige, sous les pieds de ce chamois, que je vois un peu plus loin. Le vent, au milieu des montagnes rocailleuses qui s'étendent un peu plus loin.

Mais il n'y a rien qui me parvient. Et l'ennui rend le silence insupportable.

J'apprécie le paysage, l'odeur du bois si particulier de ce chalet. Le feu qui crépite dans la cheminée du salon. J'ai toujours aimé la montagne. Cet endroit où nous venons chaque année, passer des vacances en famille, juste nous loin du monde. Je crois que j'apprécie ce lieu pour cela. La foule, le monde, ça n'a jamais été mon environnement. Ici, tout était plus calme.

Même sans Aria, cet endroit m'a toujours offert une bulle d'air au milieu de l'atmosphère étouffante de la vie de tous les jours.

Pas cette année. Cette année, je trouve tout trop fade. M'asseoir au coin du feu à regarder tomber les flocons m'ennuie bien vite. Aucun livre de la grande bibliothèque n'est parvenu à me passionner. Les balades en raquette au milieu de ce paysage pourtant incroyable m'ont parue longues et sans fin. Parce qu'il me manque quelque chose. Quelqu'un.

C'est affreusement niais, de mon point de vue, de dire que tout me paraît moins intéressant, si il n'est pas là. Pourtant c'est loin d'être faux. Je ne peux m'empêcher de l'imaginer, à côté de moi dans le canapé rouge, sous un gros plaid, à regarder le ciel nocturne resplendissant à travers le toit en verre. Ou peut-être sur le vieux fauteuil moelleux devant la bibliothèque, sa guitare à la main.

Il semble être devenu essentiel.

Et pas que lui. Les moments que je vis semblent tout simplement moins colorés, sans les nouveaux visages qui peuplent mon entourage. Talia, Carter, Sam, et même Arthur, autant de personnes, sans compter Lester, qui apportent des nuances à ce que je trouvais bien fade auparavant. Mais maintenant que je suis habituée à la couleur, il devient particulièrement troublant et difficile de s'en passer.

Malgré tout, ce séjour est bénéfique pour moi. Pour mes parents. Ces jours seuls tous les trois nous permettent de recoller petit à petit les morceaux de notre relation, qui s'étiolait au fil des années. Voir Lester renouer de cette façon avec sa famille, ressentir toute l'émotion de leurs retrouvailles, c'est un exemple pour moi. Un exemple de ce que je veux moi aussi, pour nous. Les pas que je commençais doucement à faire ces derniers temps s'accélèrent, et je pense que c'est pour le mieux. Le sourire de ma mère quand je lui propose de l'aider à cuisiner me fait chaud au cœur. Réussir à discuter avec elle comme il y a 5 ans est un exploit que je ne pensais pas parvenir à accomplir si rapidement. Mais les habitudes reviennent comme si elles n'avaient jamais cessé.

Je ne serais jamais capable d'oublier le mal que nous avons pu nous faire. Cela ne veut pas dire que je ne peux pas pardonner. Que nous ne pouvons pas reprendre une relation saine. Je crois que c'est déjà le cas. Et je découvre à quel point cela fait du bien, et cela avait pu me manquer.

Ce sont des moments simples, que nous ne vivions pourtant plus. Nous réunir autour d'un jeu de société, nous liguant ma mère et moi pour empêcher mon père de tricher. Ou pour tricher nous-même. Nous installer devant un film, en commentant chaque scène, chaque dialogue, quitte à ne plus rien comprendre, au final. Et rire à la fin de ce dernier, en constatant que nous sommes incapable de résumer ce que nous venons de regarder. Nous allonger en silence, sous le toit vitré, et admirer les étoiles, et les formes qu'elles créent dans le ciel.

Amour Sourd - Aime-Moi Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant